Les galeries ont toujours occupé une place centrale sur le marché, que l'on pense à Durand-Ruel, Vollard, Paul Rosenberg, Leo Castelli... Ce rôle semble s'accroître avec la mondialisation, les meneurs asseyant leur pouvoir par de nouvelles métamorphoses : multiplication des antennes (jusqu'à une bonne quinzaine pour Gagosian), recours à des architectes réputés, espaces de plus en plus colossaux (9000 m² pour Hauser & Wirth à Los Angeles, autant qu'un musée). Elles se sont aussi engouffrées dans une dimension culturelle qui leur donne une autre légitimité – éditions soignées, colloques, expositions non commerciales –, comme on peut le voir à Venise pendant la Biennale (cf. l'Hebdo du 15 avril) où Tornabuoni (avec « On Fire »), Continua (avec Anish Kapoor ou Subodh Gupta), Templon (avec Kehinde Wiley), Ropac (avec Joseph Beuys et Vedova) et d'autres financent des rétrospectives de qualité muséale. Comment donc mesurer le pouvoir effectif des grandes galeries ? Alors que leur chiffre d'affaires est opaque et leur nombre d'employés fluctuant, l'impact de leurs principaux artistes se prête plus facilement à l'analyse comparative. C'est la méthode choisie par Alain Quemin, rendu célèbre en 2001 par son rapport sur le poids anecdotique de la France dans le marché de l'art. Il a passé les 10 premiers artistes des galeries du premier marché à la moulinette des statistiques ArtFacts, qui recensent les expositions commerciales et institutionnelles. Plus un artiste expose, plus il est connu et prescripteur. À cette aune, c'est Thaddaeus Ropac, qui avait provoqué une petite révolution en s'installant à Pantin en 2012, qui s'impose. Son écurie est la plus influente, devant celles de Marian Goodman (2e), Konrad Fischer (3e), Sprüth Magers (4e) et Gagosian (5e). Le premier Français n'est pas Perrotin (49e), ni Lelong (60e) ou Templon (67e); mais Chantal Crousel (10e) devant kamel mennour (18e) et Almine Rech (23e). Tout classement est discutable, mais a le mérite de nourrir le débat...
Le monde des galeries. Art contemporain, structure du marché et internationalisation, par Alain Quemin, CNRS éditions, 2021, 28 €.