Baroques par nature, les architectures en carton d'Eva Jospin se situent perpétuellement à la croisée du rêve et du cauchemar, troublantes par leurs apparences évoquant le minéral comme le végétal. Elles trouvent au musée de la Chasse et de la Nature – première institution à avoir acquis une œuvre de l’artiste en 2012 – un écrin a priori étonnant, où les animaux empaillés et tableaux de comtesses emperruquées contrastent avec ces installations de couleur sable, plus ou moins monumentales au fil des salles. Mais ces deux univers éloignés partagent tout de même cet aspect pétrifié, et la vie humaine y demeure totalement absente. Palais oniriques à multiples niveaux, grottes, passages voûtés à caissons et vrais-faux balcons enlianés rappellent l'époque où architectes et décorateurs rivalisaient d'imagination pour offrir aux princes de splendides et complexes structures éphémères ornant les abords de leurs palais. Tout comme elles, les créations d'Eva Jospin s'amusent avec le spectateur grâce à des effets de trompe-l'œil inventifs, ouvrant la voie à mille et un récits. Ses forêts touffues, aussi foisonnantes qu'inquiétantes avec leurs branches et racines tortueuses, renvoient quant à elles aux contes, tandis que le Cénotaphe (2020), monument funéraire sans corps, évoque la mortalité et la fragilité du temps qui passe. Il faut s'approcher au plus près des œuvres pour pleinement saisir leur délicatesse, digne de véritables ouvrages d'orfèvrerie défiant la notion de matière.
« Galleria » au musée de la Chasse et de la Nature jusqu'au 20 mars, chassenature.org