La nouvelle est tombée le 13 septembre, fracassante : la présidente du Palais de Tokyo Emma Lavigne, nommée à la Collection Pinault, passait dans le privé. Pourtant, cette ancienne conservatrice du musée national d’art moderne, puis directrice du Centre Pompidou-Metz, œuvrait déjà dans le secteur privé, même si le Palais de Tokyo est perçu comme une institution publique. Le centre d'art, malgré un financement pour moitié public, a le statut de société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) de droit privé. Alors pourquoi tant de stupeur ? S’il serait vain de faire un inventaire exhaustif des conservateurs passés du public au privé, quelques exemples phares rappellent combien ce cheminement n’est ni rare, ni récent. Claude d’Anthenaise, conservateur puis directeur du musée de la Chasse et de la Nature de 1998 à 2019, fut inspecteur des monuments historiques de 1986 à 1996. Aurélie Samuel était conservatrice au musée national des arts asiatiques Guimet avant de rejoindre en 2017 la direction du musée Yves Saint Laurent. L’Institut de France est l’un des organismes de droit privé à faire le plein en matière de conservateurs et agents issus du public : ainsi Alexis de Kermel, qui menait la communication du château de Fontainebleau, a pris les rênes du Domaine de Chaalis en novembre 2020. Culturespaces, qui gère le musée Jacquemart-André, propriété de l’Institut, a nommé en mars à la direction de ses expositions Ana Debenedetti, Française revenue dans l’Hexagone après 11 ans à la conservation des peintures et dessins du Victoria and Albert Museum, musée d’État londonien. Hors du champ de la conservation pure, Sophie Hovanessian, administratrice générale de la Collection Pinault, a quitté le secteur public où elle officiait depuis 1992 (Paris Musées, Centre Pompidou, Réunion des musées nationaux). « Je fais le même métier », expliquait-elle en 2017 dans un colloque organisé par l’ICOM. De même, Martin Bethenod, qui a quitté en septembre la direction de la Bourse de Commerce après 12 ans de bons et loyaux services, venait du ministère de la Culture où il fut délégué aux arts plastiques, après un passage au Centre Pompidou, tandis que Suzanne Pagé, directrice emblématique de l'ARC pendant 40 ans, dirige depuis 2006 (et sa retraite de la fonction publique) la Fondation Vuitton, où officie également, entre autres, Olivier Michelon, ancien directeur du musée des Abattoirs à Toulouse.
On ne compte plus non plus les conservateurs français partis dans les institutions privées…