Après l’Armory Show à New York, Art Basel à Bâle ou Frieze à Londres, Art Basel Miami Beach s’apprête à clôturer une première salve de reprises dans un calendrier relativement dense. Le début d’année prochaine verra des foires à dimension plus régionale poursuivre le mouvement, dont l’India Art Fair prévue en février à New Delhi, qui, plus que jamais, s’appuiera sur le soutien de son sponsor principal : « BMW est au cœur de l’histoire d’India Art Fair, précise Jaya Asokan, la directrice de la foire. Au sortir d’une année difficile, nous pensons qu’il est extrêmement important pour la foire que nos partenaires puissent s’engager directement ». La prochaine édition sera ainsi caractérisée par une forte visibilité de la marque automobile avec « The Future is Born of Art », qui donnera la possibilité à un jeune artiste indien d’intervenir sur son prochain véhicule électrique, avant son lancement dans l’immense marché que représente l’Inde. Elle s’inscrit dans la continuité de la « BMW Art Journey », initiative conjointe d’Art Basel et du constructeur datant de 2015, qui permet à des artistes émergents de se rendre dans le monde entier pour imaginer de nouveaux projets créatifs.
Le soutien des marques en question
Si l’exemple de l’India Art Fair rappelle l’importance et le rôle des marques dans le modèle économique des foires, la période de la pandémie a montré sa fragilité à l’échelle mondiale. « Alors que nos contrats sont fermes et pluriannuels, confie Frédéric Dufour, président de Ruinart, il y a eu une très bonne compréhension mutuelle de la situation exceptionnelle et nous avons décidé de mettre entre parenthèses ces partenariats. » La maison de champagne a alors réduit les enveloppes financières, car elle n’était plus en mesure de rencontrer ses consommateurs physiquement, et a parallèlement donné une dimension digitale à ses événements.
La crise sanitaire aura en fait posé de manière indirecte la question du soutien des marques sur le long terme, comme le rappelle Guillaume Piens, directeur de la foire Art Paris : « En France, il y a peu de marques qui s’investissent dans la continuité, à la différence d’UBS pour Art Basel en Suisse, et leur engagement fluctue au gré des changements de direction ». Depuis la pandémie, les foires ont donc surtout pu compter sur leurs soutiens historiques, avec lesquels se sont construits des liens durables au fil des années : « Nos partenaires ont mis plus de temps à acter leur participation, admet Florence Bourgeois, directrice de Paris Photo, mais nous avons retrouvé les plus fidèles, comme J.P. Morgan depuis maintenant dix ans ».
Du global au local
Mais la relation aux marques est aussi révélatrice d’une interrogation plus globale sur le concept même de foire, parfois remis en question, voire jugé sans avenir. Au-delà, la fin d’un certain modèle semble perceptible, ainsi que le souligne Guillaume Piens : « Lors d’une phase de globalisation, des années 2000 jusqu’à la crise du Covid, la caravane de l’art passait de Shanghai à Abu Dhabi. On retrouve aujourd’hui l’importance d'événements à portée plus locale ». Avec le développement de foires visant, parfois contraintes et forcées, leurs débouchés domestiques plutôt que les mirages de la mondialisation, une relative régionalisation du marché de l’art est désormais à l’œuvre.
Symétriquement, les attentes des marques ont évolué dans ce nouveau contexte et les préoccupations environnementales font partie de leurs exigences en tant que sponsors. Elles sont nombreuses à mettre en balance leur participation à des foires très internationales, en devenant aussi la caisse de résonance de sujets sociétaux ou environnementaux. Au sujet de Ruinart, Frédéric Dufour évoque un « agent culturel », susceptible de « favoriser une meilleure compréhension des rapports entre l’homme et la nature, mais aussi de sensibiliser les foires à leur empreinte carbone ». De partenaires financiers en quête de visibilité ou d’évènementiel artistique, les marques souhaiteraient-elles, avec la crise du Covid, jouer les lanceuses d’alerte ?