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Qui sont les collectionneurs d’art crypto ? 

Qui sont les collectionneurs d’art crypto ? 
Matt Kane, September 9, 2020, collection permanente du MOCA, « Genesis ».
© Matt Kane.

De l'investisseur de la blockchain à l'amateur d'art contemporain, qui se cache derrière les collections d’art crypto ? Portraits.

Si les foires, FIAC comprise, n’ont pas encore pris le pli des NFT, ce marché ne saurait laisser trop longtemps indifférent le monde de l'art conventionnel. Certaines galeries comme Pace et Almine Rech s’y sont lancé. Qu'en est-il des acheteurs ? Les premiers collectionneurs d’art crypto étaient des investisseurs en crypto-monnaies, des personnes du milieu de la blockchain qui cherchaient à diversifier leurs actifs avec la flambée des prix du Bitcoin. Après une correction de marché au printemps dernier et un rebond incroyable du volume de ventes des NFT cet été, on a désormais plus de données sur le nombre de collectionneurs. Selon nonfungible.com, le nombre de portefeuilles actifs mensuels a augmenté de manière régulière depuis mars, passant de 49 000 à plus de 180 000 en octobre pour tous les NFT. Pour l’art, le nombre passe de 12 000 en mars à plus de 33 000 en octobre. Il est intéressant de noter que l’art ne représente toujours que 20 % des NFT.

Depuis la vente Beeple, des collectionneurs d’art contemporain souhaitent découvrir le monde de l’art crypto, et potentiellement commencer une collection. Même s’ils sont déjà conseillés par des experts dans le monde de l’art, il est très difficile pour eux d’identifier les goûts et de savoir quoi et où chercher les NFT, qui ont une valeur à la fois artistique, historique et financière. Ce dernier critère est souvent mentionné comme un bonus, mais le retour sur investissement est toujours dans les esprits. Ces collectionneurs ne sont ni très jeunes ni très vieux, viennent en général du monde de la tech ou de la finance, et ont tous en commun une vague connaissance ou un intérêt pour les crypto-monnaies, et une appétence pour découvrir les nouvelles technologies avant tout le monde. Certains ont seulement envie d’en apprendre plus sur le monde de l’art crypto – l’histoire de cette communauté d’artistes, les tendances et les profils –, sans nécessairement commencer de collection. D’autres s’y sont essayé et ont découvert des niches d'intérêt : l’art génératif, les femmes artistes crypto, l'archéologie de l’art crypto, etc. 

Des collectionneurs du monde entier

Il faudra encore beaucoup d’efforts pour convaincre un nombre conséquent de collectionneurs de se frotter aux NFT. Kenny Schachter, artiste, critique et curateur, a eu un rôle décisif dans cette tâche avec CryptoMutts, un projet d’art génératif aussi appelé PFP (photo de profil), qui a décidé beaucoup de personnes du marché de l’art à sauter le pas et à acheter leur premier NFT. Le show « NFTism » qu’il a présenté à Institut (Londres), son stand NFT à Art Basel organisé avec la galerie Nagel Draxler, et ses autres collaborations et articles sur les NFT ont rassuré. Mais il faudra beaucoup d’autres Kenny Schachter pour convaincre plus de monde. Snoop Dogg, le rappeur américain, est quant à lui convaincu. Il a clairement affirmé son intention de se positionner en mécène de la création numérique artistique, en commençant sa collection de NFT sous le pseudonyme de Cozomo de’ Medici et par l'achat record le mois dernier d’un XCOPY à 1300 ETH, soit 3,9 millions de dollars.

Parmi les collectionneurs affirmés de NFT (la plupart sous pseudonymes), Colborn est le fondateur du Museum of Crypto Art (MOCA). Basé au nord de New York, dans une partie rurale de la région de l’Hudson River, Colborn amasse depuis 2018 une collection d’art crypto d’artistes iconiques. La collection permanente du MOCA, « Genesis », compte 200 NFT de 200 artistes. Indiquant sa volonté de conservation pour une histoire de l’art crypto, Colborn a indiqué que ces œuvres ne seraient pas vendues. Pour continuer l’aventure du MOCA, il a lancé un nouveau modèle de distribution de valeur avec un « token de gouvernance » par lequel un groupe d’ambassadeurs (artistes, curateurs et experts) décidera de l’avenir de la collection.

Metakovan, acquéreur de l'œuvre de Beeple achetée en mars dernier pour 69 millions de dollars chez Christie’s, est un entrepreneur, codeur et investisseur de la blockchain. Basé à Singapour, il est originaire d’Inde du Sud. Il investit désormais à travers le fonds d’investissement Metapurse, qu’il finance avec son ami et collègue de longue date Anand Venkateswaran, aka Twobadour. Le site internet du fonds indique que les investissements sont destinés à des causes qui favorisent le métissage culturel. Concrètement, cela se traduit par des investissements dans des NFT iconiques et le financement de projets. Une valorisation récente du fonds Metapurse par nonfungible.com a révélé que, si l’œuvre de Beeple représente 36 % de la valeur totale du fonds, une grande partie des avoirs est placée dans des NFT qui représentent des parcelles immobilières des « metavers » de Decentraland et des NFT de Formule 1 extrêmement rares et chers. Ici, l’art est sans doute plus un rite de passage pour atteindre un statut qu’une vocation.

De l'investissement au mécénat

Whale Shark Pro est un des plus grands collectionneurs d’art crypto et de collectibles de l’industrie. On sait qu’il a 38 ans, est d’origine britannique et vit à Hong Kong. Tous les NFT qu’il collectionne sont placés dans « The Vault », qui contiendrait « les NFT les plus rares du domaine des jeux vidéo, de l’art numérique, de l’immobilier virtuel et autres collectibles en vue ». Sa collection est valorisée à plus de 40 millions de dollars avec plus de 390 000 NFT. Elle est sous-jacente à la crypto-monnaie sociale la plus importante, $WHALE, qui est distribuée à une très large communauté de collectionneurs et créateurs et leur donne voix au développement de la collection. L’approche de Whale Shark Pro est très financière : il parle beaucoup de valeur du token, de capitalisation, etc. En octobre, cependant, il a annoncé l'arrivée dans son équipe d’Eleonora Brizi, fondatrice de la galerie d’art crypto Breezy, en tant que curatrice officielle de la collection NFT. Son challenge sera de mettre en valeur d’une manière plus traditionnelle les artistes et les œuvres dans le contexte d’expositions thématiques et autres événements. 

Enfin, Elsie est une femme qui s’est mise à collectionner avec l’avènement des NFT, et notamment la vente Beeple. Basée à New York et fascinée par la technologie, elle a fondé la collection Edicurial, qui a pour but de soutenir les artistes numériques et crypto, et de donner un aperçu contextualisé des œuvres. S'ensuivent un effort de documentation, des publications et des prêts à des expositions pour montrer l’importance de ce nouveau genre artistique et ce moment pivot dans l’histoire de l’art numérique. Elsie s’engage désormais dans le soutien des artistes de catégories sous-représentées dans le monde crypto. 

La collection CryptoMutts de Kenny Schachter.
La collection CryptoMutts de Kenny Schachter.
© CryptoMutts.
La bannière Twitter utilisée par Cozomo de’ Medici (@CozomoMedici), avec le NFT de XCOPY acheté pour 1 300 ETH.
La bannière Twitter utilisée par Cozomo de’ Medici (@CozomoMedici), avec le NFT de XCOPY acheté pour 1 300 ETH.
© 2021 XCOPY.
L'avatar de Kenny Schachter.
L'avatar de Kenny Schachter.
© Kenny Schachter.
La bannière Twitter de Colborn (@colbornbell).
La bannière Twitter de Colborn (@colbornbell).
© Colborn/Twitter.
Vignesh Sundaresan, connu sous le nom de Metakovan.
Vignesh Sundaresan, connu sous le nom de Metakovan.


D.R.

La bannière Twitter de Whale Shark Pro (@WhaleShark_Pro).
La bannière Twitter de Whale Shark Pro (@WhaleShark_Pro).
© Whale Shark/Twitter.
Hackatao, THE Archetype, part de The Vault.
Hackatao, THE Archetype, part de The Vault.
© Hackatao.
La bannière Twitter d'Elsie (@elsie_edicurial).
La bannière Twitter d'Elsie (@elsie_edicurial).
© Elsie/Twitter.

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