Démocratisation culturelle : en France depuis plus d’un demi-siècle, l’injonction héritée de Malraux reste invariablement inscrite dans chaque discours de ministre de la Culture. Tout candidat ou candidate à une élection la mentionne dans son programme, même si on sait que l’argument n'est pas décisif dans les urnes. Or, depuis 50 ans, les chiffres montrent une chose : la démocratisation culturelle est une chimère. Le rapport du ministère de la Culture intitulé Cinquante ans de pratiques culturelles en France, paru en 2020, est sans appel : la proportion de Français ayant visité au moins une fois un musée ou une exposition en 2018 est de 29 % ; en 1973, ce chiffre était de 28 %. Autre constat plus terrible encore : le public des musées est encore moins divers socialement aujourd’hui qu’à l’ère pompidolienne. En 1973, les cadres étaient 1,6 fois plus nombreux que les employés et ouvriers dans les musées ; ils sont 2,5 fois plus nombreux de nos jours. La fréquentation des musées ne peut être le seul indicateur de démocratisation culturelle : selon l’enquête, on lit un peu moins que nos parents, mais on écoute plus de musique, on va plus au cinéma et au théâtre – et on regarde autant la télévision qu’en 1973... En ce qui concerne les jeunes, consommateurs culturels de demain, une difficulté pointe pour les sondeurs (et pour les acteurs des politiques culturelles) : depuis une quinzaine d’années, les pratiques numériques ont explosé, tandis que la lecture (y compris celle de bandes dessinées) et la fréquentation des lieux patrimoniaux sont en baisse. Remplaçant les « sorties », ces pratiques numériques – regroupant aussi bien la musique (qui connaît une progression dans tous les milieux sociaux) que le cinéma en VOD ou le jeu vidéo – sont devenues majoritaires chez les adolescents, mais sont aussi plus difficilement quantifiables.
Face à une relative érosion des pratiques culturelles, quelles sont les solutions ? Pour beaucoup, il faut initier à la culture le plus tôt possible, habituer l'œil et l'oreille dès l'enfance, décomplexer l'accès à la création. Or, en France, l'éducation aux arts manque cruellement à l'appel. C'est un ancien ministre de la Culture, Jean-Jacques Aillagon, qui le déplorait lui-même l'an dernier dans les colonnes des Échos : « L'Éducation nationale n'a pas joué un rôle majeur pour réduire ces inégalités culturelles », ajoutant pour sa chapelle : « Le ministère de la Culture est avant tout celui des artistes et des gens déjà cultivés. »
Un gros enjeu
Contre cette évidence, le Pass Culture, mesure principale du quinquennat d'Emmanuel Macron dans ce secteur, voudrait rattraper un retard accumulé depuis des…