Les cabinets de curiosités sont des télescopages salutaires qui se fichent pas mal des modes et du politiquement correct. C'est en tout cas le cas pour Antoine de Galbert, ancien amphitryon de la maison rouge, qui avoue être entré en art « sans mode d'emploi » et s'y être perdu « comme un touriste dans les ruelles d'une médina ». Sa collection, fruit « d'une incessante promenade peuplée de rencontres inattendues », reflète cette curiosité et cette empathie pour le beau, le rare, le bizarre, le dissonant. Dans l'écrin tout choisi du château d'Oiron (Deux-Sèvres), petite merveille Renaissance du Centre des monuments nationaux, le choix de Jean-Hubert Martin comme commissaire était une évidence. C'est lui qui y a remis au goût du jour, au début des années 1990, l'esthétique des Wunderkammern en constituant la collection « Curios & Mirabilia », réunissant l'astre en lévitation de Thomas Shannon (Decentre-Acentre), les Brûlures solaires de Charles Ross ou les trophées de Spoerri dans la Salle d'armes. Ils ont, pour quelques jours encore, une compagnie choisie avec des peintures tantriques du Rajasthan, un coffret d'yeux en verre, une Femme phallique de Brassaï, des sucres taillés de Boltanski, des élytres de Jan Fabre, des collages végétaux de Dereux, des planches d'anatomie de Gautier d'Agoty, un crucifix en os... Autant de pièces tissant entre elles des correspondances inattendues, troublantes qui auraient plu aux anciens propriétaires du lieu, les humanistes Gouffier, amateurs de voisinages incongrus entre animaux empaillés, tentures de cuir et chefs-d'œuvre de la peinture comme le portrait de Jean II le Bon, aujourd'hui au Louvre.
Rafael Pic
« Le Grand Bazar » au château d'Oiron, jusqu'au 3 octobre.
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