Le hall est vide et morne. Rien, si ce n’est une œuvre de Paul Créange réagissant aux variations climatiques, ne laisse deviner ce qui se trame sous les faux plafonds de ce banal immeuble de bureaux, à Clichy (Haut-de-Seine). Bienvenue à Poush Manifesto, une résidence d’artistes qui occupe jusqu’à la fin de l’année neuf des dix-sept étages d’un immeuble de bureaux seventies défraîchi. Une occupation tout ce qu’il y a de légal d’un site qui a vu défiler depuis février 2020 le gratin des professionnels de l’art en quête de sang neuf. Le projet est né d’une rencontre entre Manifesto, une agence créée par Hervé Digne et Laure Confavreux-Colliex, et le groupe immobilier Sogelym Dixence. Jérôme Durand, directeur général du groupe, a vite été convaincu par ce duo qui avait déjà piloté en 2018 l’Orfèvrerie, une résidence éphémère dans un ancien village industriel de Christofle, à Saint-Denis. Occupation temporaire, urbanisme transitoire… Les mots ne sont pas nouveaux. Mais ils sont désormais associés à une nouvelle approche du foncier de la part des villes. Rien qu’à Paris, entre 500 000 et un million de mètres carrés seraient potentiellement disponibles pour l’hébergement d'urgence, les projets sociaux et solidaires et l’accueil de pratiques artistiques alternatives. La réussite des Grands Voisins, dans le XIVe arrondissement, a crédibilisé ces occupations temporaires. En juin dernier, deux ans après une première charte pour l’occupation éphémère des lieux vacants avant travaux, la Ville de Paris a signé un nouveau texte avec 45 partenaires publics et privés, pour moitié nouveaux. Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la Maire de Paris en charge notamment de l’urbanisme et de l’architecture, cerne le rôle de médiatrice de la municipalité : « Faire pression sur les propriétaires pour qu'ils mettent des lieux à disposition et faire le lien avec des associations pour garantir un pacte de confiance ». Avec Carine Rolland, adjointe à la Culture, ils lanceront début 2022 « un appel à projet destiné spécifiquement à la culture et à la création, sur des sites appartenant à la Ville et aux partenaires de la charte, afin d'offrir des espaces de travail aux artistes, les opérateurs étant chargés de les sélectionner ».
Manière de se dédouaner d’avoir stoppé tout programme de construction d’atelier ? « Les lieux de fabrique de l’art ont été un impensé de la puissance publique, qui s’en occupait plus ou moins bien, relève Hervé Digne. Aujourd’hui, on en a compris la nécessité. » Emerige, le groupe immobilier du collectionneur Laurent Dumas, n’a pas attendu le lancement d’une charte pour être sensible au sujet. « Depuis 1992, on met à disposition des artistes les lieux à titre gracieux », indique Arthur Toscan du Plantier, directeur de la stratégie chez Emerige, rappelant que « cela s’inscrit dans trente ans de soutien aux artistes français ». Une initiative qui depuis…