Le Quotidien de l'Art

Expositions

Esclavage : les Pays-Bas confrontés à leur passé

Esclavage : les Pays-Bas confrontés à leur passé
Vue de l'exposition "Esclavage" au Rijksmuseum. A droite, les portraits du couple de propriétaires coloniaux "Maerten Soolmans" et d'"Oopjen Coppit" par Rembrandt.
Rijksmuseum.

C'est inédit, par son ampleur, dans un musée d'art et d'histoire national – en France, le sujet est abordé localement au musée d'Histoire de Nantes, qui consacrera à l'automne une exposition sur le rôle de la ville dans la traite coloniale. Sobrement intitulée « Esclavage », l'exposition du Rijksmuseum porte un regard sans concession sur un angle mort de 250 ans d’histoire néerlandaise. Le musée assume ainsi son rôle de « large pertinence sociale pour tous les Néerlandais », expliquent ses commissaires principales Eveline Sint Nicolaas et Valika Smeulders. En racontant ce que fut la réalité de l'esclavage à travers dix personnages réels, femmes et hommes, esclavagistes et esclavagisés, et en reconnaissant que « ce passé a longtemps été insuffisamment examiné, y compris au Rijksmuseum », il affirme que les musées ne sont pas neutres. Un terrifiant tronco (fers pour les pieds) évoque le quotidien de João au XVIIe siècle au Brésil. Un peigne en os rappelle la légende de Sapali, qui fuit une plantation au Suriname et survécut en cachant du riz dans ses cheveux. Ressuscités, ces objets et récits (racontés à voix haute) viennent en contrepoint de ceux bien mieux connus, comme le fameux double portrait du couple de propriétaires coloniaux Oopjen Coppit et Marten Soolmans par Rembrandt. Quatre ans de recherches, la constitution d'un think tank d'experts, des discussions avec les équipes du Rijksmuseum (des agents d'accueil à la com'), l'embauche de « personnes concernées » (« issues de la diversité » en français) ont été nécessaires à la mission que s'est donnée le musée : « présenter une histoire plus complète du passé national néerlandais, auquel l'esclavage reste inextricablement lié aujourd'hui ». Cet immense travail a aussi été l'occasion pour le « Rijks » de relire ses collections : 77 cartels évoquant le rapport à l'esclavagisme sont ajoutés pendant un an dans le parcours, avant que leur contenu n'y soit définitivement intégré.

"Tronco" (fer pour les pieds), vers 1600-1800.
"Tronco" (fer pour les pieds), vers 1600-1800.
Rijksmuseum, don de M. J.W. de Keijzer, Gouda.
Jacob Coeman, "Surapati et une servante asservie avec la famille Cnoll" aussi connu sous le titre "Pieter Cnoll, Cornelia van Nijenrode, leurs filles et deux esclaves", 1665, huile sur toile, 132 × w 190,5 cm.
Jacob Coeman, "Surapati et une servante asservie avec la famille Cnoll" aussi connu sous le titre "Pieter Cnoll, Cornelia van Nijenrode, leurs filles et deux esclaves", 1665, huile sur toile, 132 × w 190,5 cm.
Rijksmuseum.

Article issu de l'édition N°2216