« Le canot de l'Empereur est revenu, promesse tenue ! » En octobre 2018, le journal Ouest-France titrait avec enthousiasme un entretien avec Vincent Campredon, directeur du musée national de la Marine, à l’occasion du retour à Brest d’un fleuron de ses collections, après 75 ans d’exil dans la capitale. Pourtant, l’embarcation d’apparat, construite pour Napoléon Ier en 1810, ne l’avait pas été dans la ville bretonne mais à Anvers, en Belgique. Admiré lors de grandes occasions depuis son ancrage en 1814, attraction permanente à partir de 1930, il avait fini par faire partie du « paysage maritime brestois », selon le mot du maire actuel François Cuillandre. Avant qu’on l’expédie à Paris en 1943 pour rejoindre le nouveau musée de la Marine, lui évitant les bombardements. Son retour était réclamé depuis, même temporairement. Intransportable car trop fragile, répondait-on à Paris.
Le rapatriement inespéré du canot, la ville le doit à l’ambitieuse rénovation en cours du site parisien, qui imposait l'extraction du volumineux objet, suivie d’années de stockage. Pourquoi ne pas lui offrir un nouveau destin ? « Il y a eu débat, reconnaît le directeur. J’étais un peu seul devant cette décision. » Le choix de Brest, qui possède une antenne du musée de la Marine, s’est imposé en raison de l’histoire nouée avec le canot. L'exhumation d’une promesse de retour formulée en 1972 est venue parfaire le storytelling. Les deux parties ont signé une convention d’occupation du domaine public d’une durée de 30 ans, partageant à égalité les frais d’1,2 million d’euros. Magnifié par une scénographie tout en miroir, le canot de l’Empereur trône désormais au cœur des Ateliers des Capucins, chantier naval converti en complexe culturel et commercial, le musée de la Marine de Brest en assurant l’animation. Sur les réseaux sociaux, certains applaudissent au geste de décentralisation culturelle quand d’autres ne comprennent pas que la tête de proue d’un réseau de cinq musées puisse priver son public d’une pièce maîtresse. « Paris n’est pas la France, rétorque Vincent Campredon, qui considère être à la tête d’un seul et même établissement. Et je pense sincèrement qu’il sera vu par plus de monde là-bas. »