On l’aura compris : on ne paraphrase García Márquez que pour filer la métaphore avec l’actuelle pandémie… Alors qu’elle aurait dû favoriser chez nous tous un effort d’introspection, de recherche, de concentration, de ralentissement, les premiers indices du « monde d’après » montrent qu’elle a plutôt exacerbé la précipitation, la dictature du zapping, le sentiment d’urgence. Entre rendez-vous à rattraper, visioconférences, avalanches de mails, nos journées sont de plus en plus morcelées et frénétiques. À l'heure où chacun s'oblige à de bonnes résolutions intenables, peut-être pourrions-nous prendre exemple sur les champions du dessin, réunis une fois de plus par Eve de Medeiros et ses équipes, malgré les circonstances adverses, dans un bel espace de la rue de Richelieu. Voilà des créateurs – parfois très jeunes, certains étant à peine sortis de l’adolescence – capables de faire abstraction du monde extérieur (même s’il leur sert souvent d’inspiration) pour se plonger à corps perdu dans leur discipline. Il leur arrive de se lancer dans de grands formats avec des techniques ou des supports parfois complexes mais tous peuvent se contenter d’une feuille de papier et d’une plume pour faire naître des univers, des atmosphères, des ailleurs qui sont autant de motifs d’évasion. C’est un enseignement salutaire sur le pouvoir de l’imagination, sur l’économie de moyens, sur les bienfaits thérapeutiques du rêve… Architectures rationnelles ou amibes nébuleuses, colères de la nature ou petites fleurs fanées : le dessin nous offre une délicieuse encyclopédie du monde. Pendant trois jours, sortant de notre retraite forcée, on est bien heureux de l’approcher de nouveau en vrai !