Expérimenter, c’est transgresser. C’est aussi révéler une visibilité non détectable à l’œil nu. L’opération technique qui s’engage en ce sens est un saut dans l’inconnu, aux frontières incertaines. De l’image-fixe aux images-mouvements, tout peut devenir à la fois matière à manipulation et objet de fascination. Parler d’obsession n’est pas excessif : il s’agit de débusquer les signes d’une enquête sans nom, à travers plusieurs parcours parallèles d’investigation, de l’archive à l’étude de terrain. Des indices ont été dissimulés et c’est à l’artiste de les retrouver, adoptant pour cela une méthode subversive, c’est-à-dire la recherche active de ce qu’il y a en dessous, sous la surface et sous la peau du visible. L’ambition est celle de révéler ce qui gît par-delà les apparences.
À la recherche de la lumière
Une histoire me revient en mémoire : celle d’un enfant enfermé dans un placard par des parents punitifs : « Cette forme de punition ne m’effraya plus quand je découvris une solution : cacher, dans un coin, une lampe de poche à lumière verte et rouge. Lorsqu’on m’enfermait, je cherchais ma lampe dans sa cachette et je dirigeais son faisceau de lumière contre le mur en imaginant que j’étais au cinéma. » [1] J’ai longtemps pensé à cette scène, l’enfant déjouant la blessure par l’invention d’un monde d’ombre lumineuses et colorées. Le cinéma, en tant que rêve éveillé, est bien la chambre crépusculaire et secrète depuis laquelle naissent et s’épanouissent les images. Cette histoire d’enfance est celle d’Ingmar Bergman (1918-2007), devenu plus tard le cinéaste que l’on connaît. Si elle est objet de réminiscence, c’est que le travail d’Isabelle Giovacchini est imprégné d’une quête d’émerveillement de même que d’éblouissement,…