L’annonce a fait l’effet d’une bombe dans le milieu de la culture. Le musée d’Orsay devrait bientôt restituer un tableau de Klimt pillé par les nazis, Rosiers sous les arbres, aux ayants droit d’une famille juive autrichienne. Une première pour l’État français qui s’apprête à se séparer d’une œuvre dite inaliénable, appartenant à ses collections nationales. Mais alors qu’une loi est en cours d’élaboration pour rendre cela possible, un autre événement moins spectaculaire se joue en coulisse. « Le 10 mars 2021, le musée du Louvre a signé une convention avec Drouot Patrimoine pour avoir accès à tous leurs catalogues de ventes, un fonds d’archives qui est presque exhaustif ! », se réjouit Emmanuelle Polack, historienne de l’art spécialisée dans le marché de l’art sous l’Occupation, missionnée par le Louvre pour enquêter sur la provenance des œuvres acquises entre 1933 et 1945. Pour accompagner cette petite révolution, le musée avait besoin de l’expertise de cette chercheuse indépendante dont le métier consiste à retracer le parcours de peintures, sculptures et dessins spoliés pour qu’ils puissent être restitués. Elle met aujourd’hui à la disposition de l’institution sa boîte à outils, au sein de laquelle les « red flag lists » occupent une place de choix. « Ce sont des listes de marchands douteux ou de familles spoliées qui permettent de hisser un drapeau rouge quand on tombe sur certains noms », explique Emmanuelle Polack.
Pour sa thèse, elle a numérisé les catalogues de vente de l’Institut national d’histoire de l’art – parfois annotés du prix d’achat et de la somme versée par l’acheteur – et fréquenté assidûment la Gazette Drouot. Elle a aussi épluché les procès-verbaux que les commissaires-priseurs avaient l’obligation de verser aux archives départementales ou à celles de Paris, même si les officiers ministériels qui s’étaient livrés à des actions répréhensibles omettaient parfois de le faire.…