L’affaire agite le monde de la photographie. Magnum Photos, la mythique agence fondée en 1947 par Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, George Rodger, David Seymour et William Vandivert, est sous le coup d’accusations concernant la diffusion et la commercialisation d’images d’enfants ayant subi des abus sexuels, un reportage datant de la fin des années 1980. En cause, le fait de ne pas avoir masqué les visages et l’usage d’un vocabulaire litigieux pour étiqueter les images dans les bases de données de l’agence. Ces accusations donnent d’autant plus à réfléchir qu’elles concernent cette agence, née de l’idée de défendre les droits des photographes afin qu’ils soient considérés comme des auteurs et les propriétaires de leurs images. Mais aussi qu’ils aient la liberté de travailler sur les sujets de leur choix et aient leur mot à dire sur les conditions de publication de leurs images.
« Le poids des mots, le choc des photos », l’ancien slogan d’un célèbre hebdomadaire semble donc plus que jamais d’actualité et résonne étrangement dans l’époque actuelle. Après « l’ère du choc » et celle du « soupçon » vis-à-vis de la photographie décrite par Susan Sontag dans Devant la douleur des autres en 2002, sommes-nous en train de basculer dans une société précautionneuse à l’excès, voire moralisatrice, quand il s’agit de diffuser des images montrant des personnes en situation de fragilité ?
Les enjeux de l'indexation
Au début des années 2000, l’informatique a révolutionné la diffusion des images. Car au temps des négatifs et des tirages papiers, les photos étaient rangées dans des boîtes et l’indexation était limitée à un usage interne, celui des agences ou des photographes. Aujourd’hui, les recherches sont effectuées par les clients eux-mêmes (que ce soit dans la presse, l’édition ou encore la communication) via les bases de données. Les quantités sont colossales. Un exemple : 70 millions, c’est le nombre d’images rassemblées par PixPalace, plateforme française s’adressant aux professionnels regroupant des agences,…