Avec Imagine Pablo, son tout premier podcast, le musée Picasso à Paris aura expérimenté les vertus d’un format en vogue dans une période particulière. Comme pour beaucoup d’acteurs culturels, ce podcast lancé avant la crise sanitaire a réaffirmé pendant les confinements ses multiples atouts. « Son succès démontre une soif d’explication pour une œuvre encore énigmatique, décrypte Laurent Le Bon, président du musée. Avec sa brièveté et ses pastilles de quelques minutes, le podcast prouve qu’il est le médium de l’époque. » Souvent comparé à l’audioguide traditionnel, il paraît en effet proposer une alternative plus moderne et plus flexible : « L’audioguide a rendu de bons et loyaux services, souligne Jean-François Chougnet, président du Mucem à Marseille. Il peut désormais poser des questions sanitaires, logistiques ou de coût. » Dans un contexte de fermeture, le Mucem a donc plutôt choisi de miser sur le podcast en s’appuyant sur des archives sonores et un riche fonds, notamment autour des relations entre la France et l’Algérie.
Des collections au collectif
Pour nombre d’institutions culturelles, le podcast représente un vecteur de valorisation des collections ou de médiation, mais il tisse également un lien avec des enjeux de société forts, comme le note Agnès Benayer, directrice de la communication du Centre Pompidou : « Alors que le public ne peut pas venir sur place, nos podcasts proposent un contenu augmenté autour de nos œuvres majeures, mais ils révèlent aussi nos engagements profonds sur des sujets comme l’écologie ou le féminisme. » Parallèlement à un nouveau site internet, au développement de sa revue parlée Le Mensuel ou au lancement récent de son MOOC Elles font l’art, le Centre Pompidou entend étoffer son offre de podcasts dans un écosystème commun, qui pourrait s’avérer salutaire depuis les annonces de fermeture de l’institution pour quatre ans.
Pour d’autres acteurs, les podcasts constituent un complément essentiel de l’expérience de visite : selon Dominique de Font-Réaulx, directrice de la médiation et de la programmation culturelle du musée du Louvre, « on associe l’imaginaire, la connaissance et un temps d’écoute, qui fait écho au temps de la déambulation dans le musée et ramène à notre propre intimité ».
Le boom de l’audio
Pour le musée du Louvre, l’implication dans le podcast s’inscrit en réalité dans une stratégie digitale beaucoup plus large, alors qu’il revendique 9,3 millions de followers tous réseaux sociaux confondus, dont 4,4 uniquement sur Instagram. Si les audiences de certains podcasts peuvent encore sembler limitées en comparaison de ces chiffres spectaculaires, elles connaissent des croissances significatives : « Pour le premier épisode de notre podcast Les Enquêtes du Louvre consacré au Radeau de la Méduse de Théodore Géricault, précise Sophie Grange, sous-directrice de la communication du musée du Louvre, nous avons enregistré 53 000 écoutes sur cinq mois. Mais avec le podcast Les Odyssées du Louvre, coproduit avec France Inter, nous avons atteint 1,5 million d’écoutes sur neuf mois. »
Dans un paysage de l’audio digital en recomposition permanente, la radio apporte son audience et son expertise à un moment clef pour le podcast, tel que le pointe Erwann Gaucher, adjoint à la direction de la stratégie des antennes de Radio France : « Le podcast connaît aujourd’hui le même engouement que la vidéo il y a quelques années. Il constitue un très bon outil pour garder le lien avec le public et une porte d’entrée particulièrement adaptée aux musées. » Pour les producteurs de podcasts, les institutions culturelles sont logiquement devenues des clients naturels, à condition toutefois de consacrer un réel budget à la réalisation : « En fonction des exigences, rappelle Katia Sanerot, directrice générale de Louie Media, un épisode peut représenter un investissement moyen de 3000 à 5000 euros et une saison complète entre 20 000 et 30 000 euros. Dans l’impératif contemporain de digitalisation, le podcast reste souvent moins cher que la vidéo ou qu’un site internet et correspond mieux à l’ADN de la création. » Au point, parfois, de devenir une œuvre à part entière.