Donald Trump a jonglé avec les chiffres dans ses dernières journées à la Maison-Blanche. S'il a gracié hier des dizaines de proches en froid avec la justice, il s'est aussi penché sur la question de l'art dans l'espace public. Une préoccupation de dernière minute qu'il a traitée à sa manière habituelle – à gros volume et en force. Dans un décret présidentiel de lundi 18 janvier, qui confirme celui du 3 juillet 2020, il précise ses objectifs sur un parc de sculptures dédié aux héros américains (National Garden of American Heroes) sur lequel une « task force » travaille depuis six mois sans qu'on sache où il verrait le jour d'ici 2026... Conçu comme une « réponse de l'Amérique aux tentatives irréfléchies d'effacer nos héros, nos valeurs et des pans entiers de notre mode de vie », il inclut une liste de 244 personnalités à couler dans le bronze ou à tailler dans le marbre (ou à transférer depuis d'autres emplacements). Certains ironiseront sur le dernier sursaut de l'homme blanc : il y a pourtant 52 femmes – 21 % tout de même. Et même des Noirs et des autochtones ! Mohamed Ali, Louis Armstrong, Jesse Owens, Martin Luther King, Rosa Parks, Frederick Douglass... ou Sitting Bull. Bien sûr, les gros muscles US sont là, Buffalo Bill en tête, avec Charlton Heston et John Wayne (mais pas Kirk Douglas), et Lou Gehrig, héros éternel du base-ball, mort à 38 ans de la maladie de Charcot. Mais comment concilier Elia Kazan, dont la réputation fut salie dans la chasse aux sorcières, avec Hannah Arendt ? Ce hit-parade hétéroclite est au fond une vision tout à fait défendable et cosmopolite de l'Amérique. Sans compter que nous y avons un ambassadeur, glissé entre Duke Ellington et Henry Ford : La Fayette, le « héros des deux mondes ». Comme un appel inconscient à renouer des liens bien distendus...
Le chiffre du jour