La photo culinaire a fait des pas de géant depuis les albums grand public de Raymond Oliver dans les années 1960. Mais, recourant à différents artifices et à l'expertise de stylistes, elle a perdu de sa spontanéité. Éric Poitevin, photographe connu pour ses natures mortes (on a vu ses trophées au musée de la Chasse et de la Nature, et, actuellement, ses « Contacts » à la galerie Dilecta jusqu'à fin décembre), a décidé de prendre l'affaire à bras le corps. Avec la complicité d'une grande dynastie de la cuisine française, représentée par Michel et César Troisgros, et de leurs équipes à Roanne, il a « retourné le gant ». Plutôt que de photographier les assiettes juste servies, il les a croquées desservies. On y lit, en creux, un plat d'exception, un moment mémorable. Les détectives du goût pourront déceler aux rares vestiges que ceci fut une ronde d'écrevisse et de framboise, et cela une anguille et trévise sur le feu. L'image ici reproduite porte l'empreinte d'une mousse au saké, d'une glace au riz Koshihikari, de haricots rouges azuki confits, d'un grué de cacao. Au fond, un grand voyage imaginaire qui se trouve des parentés avec l'art pointilliste, le minimalisme ou l'Action Painting : de quoi se rincer l'œil avec les gars de la plonge...
Servez citron, éditions Macula, 2020. Avec un texte de Jean-Claude Lebensztejn (Restes de table), des extraits du Cuisinier françois (1651) et les recettes des Troisgros.
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