Quel rapport entre un sabot breton et l’aspiration à un reset de l’art ? Aucun, a priori. Et pourtant, écrit Gauguin en 1888, « quand mes sabots résonnent sur ce sol de granit, j’entends le ton sourd, mat et puissant que je cherche en peinture ». Ainsi de la naissance du « folklore » au XIXe siècle à celle des avant-gardes, il n’y aurait qu’un pas – c’est ce que démontre l’exposition du Centre Pompidou-Metz, décalée jusqu’à l’automne pour cause de Covid-19, avant de rejoindre le Mucem qui la co-organise (commissaires : Marie-Charlotte Calafat et Jean-Marie Gallais). Dans les arts dits populaires d’Europe (sont volontairement exclus ici, malgré des continuités évidentes, ceux des autres continents), les Kandinsky, Gontcharova, Sérusier, Brancusi, le Bauhaus – ou plus récemment Broodthaers, Beuys, Deller, Huyghe, Durham – trouvent de nouvelles fictions, mais aussi des répertoires de formes en rupture avec l’art classique. Les pratiques artisanales, où l’art se dissout dans le collectif et l’œuvre dans l’immatériel, sont également revalorisées. « L’artiste n’est qu’un artisan aspiré », affirme dans son manifeste du Bauhaus (1919) Walter Gropius, qui ouvre un atelier textile réservé aux femmes. Celles-ci s’en emparent pour créer en toute liberté un éventail de formes abstraites inspirées des folklores du monde entier, et, dans un mouvement à double sens, écrit Anni Albers, « regarder vers l’avenir à partir d’un point qui remonte dans le temps ». Un art non pas du passé, mais éminemment vivant.
« Folklore », au Centre Pompidou-Metz, jusqu’au 4 octobre 2020
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