Plus que jamais, les musées peuvent faire le choix de l’open content, et ainsi mettre librement leurs trésors à disposition du public. Après le Rijksmuseum, le Metropolitan Museum, la Yale Art Gallery et les musées de Toulouse et de Rennes, Paris Musées et les villes de Pau et Marseille ont décidé de miser sur cette stratégie. Le résultat le plus souvent obtenu est difficilement quantifiable mais pourtant incontestable. Les musées « ouverts » ont très souvent amélioré leur image et gagné en notoriété et modernité. C’est notamment le cas pour des institutions de taille moyenne, qui ne bénéficiaient pas de marque forte. Le Rijksmuseum est ainsi devenu un musée « mondial » après avoir lancé en 2013 son projet Rijkstudio alors même que ses galeries étaient fermées. Le succès et le caractère pionnier de la diffusion libre des images de ses œuvres ont même assuré la communication du lieu, après dix années de rénovation. De même on ne compte pas aujourd’hui le volume des retombées médias lorsque Toulouse, Rennes et Paris ont « libéré » leurs collections.
Audience et engagement
Le second impact de l’open access est l’augmentation de l’audience des ressources numériques du musée. L’exemple récent des musées de la Ville de Paris peut en témoigner : le site de leurs collections, passé en open content en janvier dernier, a vu sa fréquentation globale passer de 129 000 visites (337 300 pages vues) en janvier-février 2019 à 2,1 millions de visites (3 millions de pages vues) en janvier-février 2020. Du côté du Met, les résultats sont tout aussi implacables, et sur une durée plus longue. En février 2020, pour le troisième anniversaire de son programme open access, le musée new-yorkais a annoncé que ses œuvres avaient atteint « un nombre phénoménal de 225 millions de vues annuelles sur Wikipédia » et que leur référencement sur Google et Google Images avait considérablement été amélioré. L’institution atteint ainsi un double objectif, résumé par Philippe Rivière, directeur numérique de Paris Musées : « Diffuser plus largement les images des œuvres et garantir la qualité de la photographie et des métadonnées associées. »
L’impact en termes d’engagement est également incontestable. Le site du Rijksmuseum revendique plus de 500 000 comptes personnels créés pour pouvoir accéder à plus de 400 000 images d’œuvres, librement téléchargeables en haute définition. Avec sa collection partagée, le Getty Museum « imagine de nouvelles interactions avec ses publics, comme en témoigne le récent Getty Challenge, organisé à l’occasion du confinement ».
La mise à disposition libre des ressources iconographiques des musées, incluant l’usage commercial, conduit également à se rapprocher des créateurs d’aujourd’hui. Le Met et le Rijksmuseum mettent ainsi leur corpus d’images à disposition d’artistes ou de développeurs qui peuvent les réinterpréter et les diffuser auprès du grand public sur internet, les réseaux sociaux ou dans des applications mobiles. Les deux musées sont allés encore plus loin en organisant des concours par lesquels des créateurs imaginent de nouveaux produits dérivés inspirés de la collection, dont certains sont vendus dans la boutique officielle du musée.
Attirer des mécènes
La stratégie open content peut enfin impacter le fonctionnement interne. L’intelligence artificielle permet de « moissonner » les données ouvertes, d’analyser de manière nouvelle les collections et de fournir de nouveaux outils aux conservateurs. Les équipes doivent en outre imaginer les partenariats de manière différente. Les projets de libre accès des musées d’Amsterdam, Cleveland ou Chicago ont ainsi été partiellement financés par des mécènes. Et la Ville de Pau va lancer son projet d’ouverture des collections avec l’aide d’une banque régionale.
La démarche d’open content permet ainsi aux institutions muséales d’atteindre un grand nombre d’objectifs, mais à une condition, rappelée par Martijn Pronk. Pour ce pionnier, initiateur et maître d’œuvre du Rijkstudio, « une telle stratégie ne peut être une fin en soi. Libérer les ressources iconographiques doit être un moyen au service d’un objectif stratégique, celui du libre accès, non seulement dans le numérique mais également dans tout ce que fait l'organisation ».