L’Irak, son pétrole, ses déserts, ses guerres… mais aussi son architecture : Rifat Chadirji, né en 1926, mort à Londres du coronavirus le 10 avril à l’âge de 93 ans, en était la figure tutélaire avec son original « modernisme régionaliste », même si l’hostilité de Saddam Hussein tronquera sa carrière. Après avoir été condamné à perpétuité en 1974 et jeté pendant 20 mois dans la prison d'Abu Ghraib, alors qu'il dirigeait une agence de près de 100 personnes, il ne sera brièvement en grâce que pendant les années 1980-82 pour aider à relooker la capitale, où le dictateur entendait organiser une conférence internationale. Il passera le reste de sa vie à l'étranger, quittant définitivement son pays en 1983 pour les États-Unis, puis l’Angleterre. Il avait heureusement commencé tôt sa carrière, étant de 1958 à 1963, à peine plus que trentenaire, le directeur général du logement au ministère de la Planification. Soucieux de marier les savoirs traditionnels et formes vernaculaires – menacés par la croissance urbaine et le boom pétrolier – avec les techniques modernes, il contribua à définir le Bagdad des années soixante : monument au Soldat inconnu (1959), Académie des Sciences (1965), Monopole des tabacs, Fédération du bâtiment (1966). La Poste centrale, achevée en 1972, symbolise l’état fragile de son œuvre : bombardée en 2003 et jamais vraiment restaurée, elle est en état précaire. Destinataire de l’un des seuls quatre prix à la carrière (Chairman’s Award) décernés depuis 1980 par l’Aga Khan Award for Architecture, son influence se perpétue aussi dans le monde arabe par ses écrits historiques et théoriques.