Depuis le confinement imposé en France le 17 mars, Bénédicte Alliot, directrice de la Cité internationale des Arts, se pose chaque jour les mêmes questions : « Comment faire vivre la notion d’accueil et d’hospitalité, qui sont au cœur de nos missions et de nos valeurs : comment être aux côtés des artistes et à leur écoute ? Comment continuer à accompagner leurs projets ? Et comment, toutes portes fermées, pouvons-nous animer cette communauté extraordinaire qui vit en plein cœur de Paris ? ». Et, enfin, comment assurer au jour le jour leur santé et sécurité, avec un budget contraint (5,4 millions d'euros annuels). Car 200 artistes – sur 325 en temps normal –, originaires du monde entier, continuent à œuvrer toutes portées fermées au sein des deux sites, à Montmartre et dans le Marais. Si certains ont rejoint leurs pays d’origine et leurs proches, d’autres, notamment réfugiés, ont choisi de rester car « la situation en France est parfois plus sûre que dans leur pays, mais aussi parce que la Cité est un lieu de confiance », précise Bénédicte Alliot. Un endroit où, dans le respect des gestes barrières et mesures sanitaires, s’inventent aussi des solidarités collectives, envers notamment les SDF qui, tous les soirs, campent devant le bâtiment du Marais.
Pas question non plus d’arrêter d’œuvrer. Le site internet de la Cité internationale a ainsi diffusé le 26 mars un échange en direct entre le plasticien allemand Lukas Zerbst et la commissaire palestinienne Reem Shadid autour des complicités involontaires dans les pratiques artistiques et d'exposition. Certains créateurs ont fait évoluer leurs projets à l’aune de cette situation inédite. Ainsi, l’Égyptienne Shatha Al-deghady travaille sur l’enregistrement de dialectes qu’elle modifie pour créer une « toute nouvelle langue, du commun et du vivre ensemble », précise Bénédicte Alliot, fière d’un projet qui « prend une dimension particulièrement intéressante à l’aune de ce que nous traversons aujourd’hui ».
« On vit tous la même chose en même temps »
Le confinement, au singulier ou au pluriel, les artistes s’en sont toujours accommodé. Certains en ont même fait le cœur de leur pratique (lire p. 11). « Le confinement peut être une chance, celle de renoncer au mouvement perpétuel, confie Abraham Poincheval. Avec mes performances, j’ai appris que l’être humain est un territoire à lui tout seul, pas moins immense que le monde extérieur. » L’isolement, Giulia Andreani l’a toujours vécu comme « un luxe habituel, celui de se mettre à l’écart, un tout petit peu, pour essayer de mieux donner à voir ». Aussi, pour l’heure, son quotidien n’a que peu changé au regard de ses précédentes expériences en résidence. Avec une crainte toutefois, la pénurie « plutôt des toiles et du papier aquarelle que du papier toilette et des pâtes ». Car l’épidémie qui a mis les lieux culturels à l’arrêt n’a pas tari son inspiration. Ces derniers jours, la jeune Vénitienne a réalisé une aquarelle représentant de jeunes sportives qui s’arrachent une tête des mains, telle un ballon de basket. Elle lui a déjà trouvé un titre, Sororité.
Par une cruelle ironie, plusieurs…