Un an après son arrivée à la direction du Jeu de Paume, Quentin Bajac s’inscrit dans la continuité du travail accompli par Marta Gili, restée à la tête de l’institution de 2006 à 2018. Douze ans au cours desquels l’Espagnole a su forger l’identité de ce centre d’art né en 2004 de la fusion de la Galerie nationale du Jeu de Paume, du Centre national de la photographie et du Patrimoine photographique. « Le Jeu de Paume a bâti sa réputation sur l’idée d’être un lieu dédié à l’image au sens large, c’est-à-dire la photographie, la vidéo, le film et d’autres formes. Nous allons continuer à garder cette ouverture », commente Quentin Bajac. Témoin de cette diversité des formes, « Le Supermarché des images » actuellement présenté est l’ultime exposition programmée par Marta Gili et la dernière avant une période de travaux pour une mise en conformité du bâtiment qui s’étendra sur tout le second semestre. Cette interruption prévue de longue date sera l’occasion de revoir l’identité visuelle du Jeu de Paume, à la demande de Quentin Bajac, « un simple toilettage », ainsi que le site internet, deux façons de marquer son territoire.
Une réouverture prévue en février 2021 avec ce qui s’annonce comme l’une des grandes nouveautés : Images en jeu, un festival dédié à la création émergente amené à se répéter mais dans une périodicité non programmée à l’avance « pour éviter les contraintes. Il se déroulera de manière suffisamment fréquente pour qu’il soit identifié “Jeu de Paume” ». Et, serait-on tenté de rajouter, cette nouvelle manifestation pourrait à terme contribuer à remodeler l’identité de l’institution. Cet événement signe la fin de Satellite, programmation confiée à de jeunes commissaires d’exposition et dédiée à l’émergence, mais qui courait de saison en saison. La première édition d'Images en jeu sera sous la direction de la commissaire d’exposition indépendante Béatrice Gross, « une formule qui pourrait devenir une règle ».
De nouveaux rendez-vous
Dans quelles mesures les plus de six ans passés à la tête du département photographie du MoMA de New York influencent-ils sa façon de diriger le Jeu de Paume ? Quentin Bajac n’en est peut-être pas transformé mais changé, assurément, par l’énergie new-yorkaise, notamment, et l’attention très forte portée au contemporain, « plus que chez nous, ce qui va jusqu’à oubli du passé, c'est dommageable ». Fort de cette expérience, il se dit plus attentif au présent qu’auparavant sans pour autant renier le passé. Et cela fait partie des missions du Jeu de Paume que de montrer des fonds historiques, notamment ceux de la Médiathèque de l’architecture et du patrimoine (MAP), comme c’est souvent le cas au Château de Tours avec lequel le Jeu de Paume est partenaire. Il rappelle aussi que quatre des plus grands succès du Jeu de Paume sont des « historiques » : Dorothea Lange, Garry Winogrand, Richard Avedon et Diane Arbus. Pourquoi changer une formule gagnante ?
Des États-Unis, Quentin Bajac a également « rapporté » l’exposition Peter Hujar qui s’est achevée en janvier, une belle redécouverte. Et, en 2021, on verra un large pan de la collection de Thomas Walther, achetée par le MoMA en 2001. Autre nouveauté constitutive de son expérience américaine, la mise en place d’un nouveau rendez-vous régulier dès l’année prochaine : des « forums de l’image » dont l’objectif est de réunir un public large et varié de professionnels et d’amateurs. Objectif : échanger trois à cinq fois par an autour de thématiques afin de fédérer la communauté de l’image.
De manière générale, Quentin Bajac a pour ambition de faire plus d’expositions thématiques, qu’elles soient historiques ou contemporaines, « qui rendent compte des grands enjeux de l’image aujourd’hui ou des mouvements de la photo ». Ainsi on pourrait plus souvent voir l’intégralité de l’espace du Jeu de Paume occupé par des projets d’envergure. 2021 se déclinera donc en trois saisons, comme avant, mais à terme il pourrait y en avoir quatre : « Tous les projets n’ont pas besoin du même temps pour rencontrer leur public, la durée pourrait donc s’étaler de 10 à 15 ou 16 semaines. En tout cas, j’aimerais plus de changements de rythme », conclut-il. Avec environ 80 000 visiteurs pour chacune des trois saisons, Quentin Bajac se réjouit des bons résultats de l’année 2019 qu’il partage avec Marta Gili : « Ce qui est bien par rapport aux années précédentes et étant donné les circonstances. » Il espère faire au moins aussi bien à partir de 2021.