Stades abandonnés aux mauvaises herbes, piste de bobsleigh taguée, piscine vidée et désertée… Chaque édition des Jeux Olympiques est l’occasion de voir se multiplier les « éléphants blancs », ces équipements très coûteux et devenus obsolètes après leur utilisation éphémère. Athènes, Rio, Grenoble, Sotchi… Aucune ville n’a été épargnée, à l’exception de Los Angeles, en 1984. La raison ? Les organisateurs s’étaient appuyés sur des infrastructures existantes et n’ont quasiment rien construit… Un exemple que compte suivre Paris en 2024, où 70 % des équipements sportifs existent déjà. C’est l’un des arguments qui a séduit le CIO qui, après près d’un siècle d’existence, olympiade après olympiade, s’est enfin rendu compte du gâchis économique, écologique et urbanistique que représentaient les jeux. L’agenda 2020, feuille de route pour les olympiades de 2024, invitait « les villes candidates à présenter un projet conforme aux besoins de planification à long terme sur les plans économique, social et environnemental ». Pour le Comité de Paris 2024, la réponse était claire, il fallait penser à la phase d’héritage avant de penser à celle des jeux, au cadre de vie post-olympique en ne voyant dans ces trois semaines qu’une période temporaire avant sa réversibilité en logements, bureaux, équipements scolaires... Un enjeu crucial dans une région qui manque cruellement de logements.
Avec la multiplication des normes tout au long du XXe siècle, on a donné aux bâtiments des spécialités : logement, bureaux… Une fonction définitive qui obligeait bien souvent à détruire pour reconstruire en cas de changement d’affectation. Dans des temps d’urgence écologique, les architectes multiplient les constructions réversibles, c’est-à-dire dont la souplesse permet aux usages d’évoluer en fonction des besoins. Le Village Olympique (où sont notamment logés les athlètes) a été implanté à cheval sur les communes de Saint-Denis, l’Île-Saint-Denis et Saint-Ouen, en Seine-Saint-Denis, au nord de Paris. 280 000 m2 dont Dominique Perrault, nommé urbaniste en chef du site de Seine-Saint-Denis, a confié à des architectes la réalisation de bâtiments réversibles. « Nous l’avons compris, l’héritage du Village Olympique n’est pas une finalité mais au contraire le point de départ et l’objectif premier de sa conception. Ainsi, la "sur-couche" de la configuration Jeux sera retirée pour donner au Village son véritable aspect, celui d’un nouveau quartier », explique l’agence DPA.
Leviers de développement
Parmi les architectes désignés pour ce village et donc guidés par cette démarche, l’agence DREAM. « La Solideo (établissement public chargé de financer, superviser et livrer les ouvrages et opérations d’aménagement nécessaires aux Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, ndlr) nous a sensibilisé à penser ce quartier sur les 90 ans à venir. Ces projets doivent être un levier pour le développement des quartiers et pas une épine dans leur pied. Nous avons donc imaginé les volumes les moins contraints pour pouvoir les transformer facilement, avec un système poteau-poutre en structure bois au lieu de murs plein et une réversibilité sur toutes les échelles, de la technicité jusqu’à l’usage du quartier, qui d’ultra-sécurisé deviendra un quartier de vie », détaille Dimitri Roussel. Le bâtiment de DREAM sera doté d’une clinique sportive, de quelques bureaux et d’un équipement multisport sur le toit pour la rééducation des joueurs et sera ensuite transformé en bureaux et terrain de basket sur le toit.
Erik Giudice dessine quant à lui deux bâtiments flexibles et évolutifs dans l’éco-quartier fluvial « Empreintes », au sein du Village des Athlètes, dans un secteur aménagé par Plaine Commune. Pour cela, il s’appuie sur des cloisons ou murs démontables qui permettront à ces logements pour athlètes de devenir en 2025 une résidence étudiante. Pour le second projet, les logements pour athlètes deviendront des bureaux, Erik Giudice explique : « Nous réfléchissons à la préfabrication des modules de salles de bain, et sur la manière dont elles pourront être extraites et réutilisées dans d’autres projets du promoteur Pichet-Legendre. » Une frugalité bienvenue et qui évitera de nourrir les publications des amateurs d’urbex et autres lieux abandonnés.