La couleur nous émerveille, nous entoure, nous recouvre même. Les vêtements que nous portons ou aimerions porter, qu’ils soient monochromes ou qu’ils résultent d’accords colorés audacieux, interrogent quotidiennement la couleur. Pourtant, sans même évoquer les processus neurologiques de perception, nous ignorons souvent tout des procédés de fabrication et d’élaboration de la couleur, comme de leur évolution, qui depuis deux siècles a été fondamentale. Nous ignorons que, derrière une étoffe bleu électrique comme une œuvre d’Yves Klein, se cache l’histoire des couleurs de synthèse dont on a pour habitude de situer l’origine en 1856, quand un jeune chimiste anglais, William Perkin, tente de réaliser la synthèse de la quinine et obtient par hasard un colorant violet correspondant à la mode de l’époque.
Pour comprendre l’ampleur de la transformation profonde de l’industrie des couleurs en général et de l’histoire de la teinture en particulier, il faut savoir que jusque-là les colorants textiles étaient produits à partir de végétaux et d’animaux. Extraire les matières colorantes était souvent un processus long, énergivore et demandant de grandes quantités de matière. Le « kermès » des teinturiers en est un bon exemple : source d’un rouge éclatant, il a été utilisé par les populations méditerranéennes de l’Antiquité jusqu’au XVIe siècle. Le…