« Les missions des musées sont, entre autres, de conserver et diffuser les œuvres, or ils se sont plus attachés à remplir la première », constate Pierre-Yves Lochon, directeur associé de Sinapses Conseils et administrateur du Club Innovation Culture (Clic). Alors qu’à l’international, les musées et établissements culturels instaurent des nouvelles politiques de l’image, la France peine encore à trouver son créneau. Pourtant, les demandes de « libération des images » sur internet sont de plus en plus nombreuses, et pressantes.
Comme l’explique le rapport « Droits des images, histoire de l’art et sociétés » de Martine Denoyelle, Katie Durand, Johanna Daniel et Elli Doulkaridou-Ramantani (INHA, 2018), l’open content est la « mise à disposition gratuite sur internet des reproductions numériques des œuvres sous une licence garantissant leur libre accès et leur réutilisation par tous, sans restriction technique, juridique ou financière ». C’est une démarche différente de l’open data, qui est une « mise à disposition gratuite sur internet des données », précise ce même rapport. Pierre-Yves Lochon ajoute : « L’open data c’est à la fois les données visiteurs (statistiques) mais aussi les métadonnées associées aux œuvres, qui ne sont pas nécessairement montrées. » Alors que des musées comme le Met, le Getty ou le Rijksmuseum sont les premiers à avoir ouvert la voie, la France est en reste. Comment l’expliquer ? Pierre-Yves Lochon y voit d’abord une « volonté de garder le contrôle. Les musées considèrent que laisser partir les images de leur collection dans la nature, c’est perdre en partie leur savoir et leur pouvoir ». Axel Moulinier, doctorant en histoire de l’art, s’interroge : « L’écriture de l’Histoire reste assez nationale, il est possible que les musées français tentent de garder un pré-carré. » Il regrette cependant : « Les collections nationales ne sont-elles pas le bien de toutes et tous ? »
En plus de ce blocage psychologique, la barrière à l’ouverture des collections en open content est économique. « C’est une fausse raison, pense Pierre-Yves Lochon. Encore aujourd’hui des musées pensent que la diffusion des images serait une perte d’argent. Soit c’est une méconnaissance, soit c’est une fausse excuse pour ne pas libérer les œuvres. » Selon lui, la commercialisation des reproductions d’œuvres n’a jamais été vraiment rentable : « Cela limite la diffusion des images sur les réseaux numériques et donc induit une perte de visibilité des musées. Sur Google, le référencement est organisé en fonction de la qualité des images et comme la plupart des musées français n’offrent pas de reproduction d’œuvres en haute définition, elles n’apparaissent pas sur les premières pages. »
Les musées de région à la pointe
Mais tous les musées français n’envisagent pas l’open content et l’open data de manière frileuse. En 2017, le musée de Bretagne à Rennes a sauté le pas. Ainsi, sur 600 000 œuvres…