Les musées de Berlin attirent chaque année des millions des touristes. Les plus connus se trouvent sur l’Île aux Musées. Ce site, classé patrimoine mondial de l’Unesco, compte cinq bâtiments, chacun hébergeant des trésors. Cependant, la Cour des comptes fédérale d'Allemagne tire la sonnette d’alarme. En effet, l’autorité suprême du gouvernement constate que les musées de la capitale ainsi que d’autres institutions culturelles sont menacés de délabrement. Selon un récent rapport, d’importants problèmes d’entretien et de maintenance se sont accumulés ces dernières années – à tel point que la Cour considère que certains sont en danger. Le 1er décembre, le musée de la Stasi a été victime d'un important cambriolage, après que les malfaiteurs se soient introduit par une fenêtre. La Fondation du patrimoine culturel prussien, l'une des plus grandes organisations culturelles dans le monde, est particulièrement visée. Elle relève du ministre d’État à la Culture et comprend de nombreuses bibliothèques, archives et collections, et plus de 20 musées, dont le complexe muséal de Dahlem et le Neues Museum sur l’Île aux Musées, qui se trouvent sur la liste des bâtiments menacés.
Des œuvres d'art entourées de flaques d'eau, des objets de collection protégés uniquement par des bâches en plastique : ces descriptions ont suscité la stupéfaction et l’incrédulité de la presse allemande. Le rapport dont quelques médias se sont emparés fin octobre documente ces propos par des photos. La critique n’est pas neuve. En 2017 déjà, la Cour des comptes fédérale avait signalé des manquements graves.
Fuites et fissures
À qui la faute ? La Fondation du patrimoine culturel prussien se défend et renvoie la balle à celles et ceux qui la financent. « Nous dépendons de l’argent de nos financiers, en particulier du gouvernement fédéral et de l’État de Berlin », a déclaré le vice-président Gero Dimter. Selon lui, il n’y a pas eu suffisamment d’argent débloqué pour l’entretien et la rénovation des bâtiments ces dernières années. Le complexe muséal de Dahlem, dans le sud de la ville, se trouve dans un état très inquiétant. Le musée ethnologique, l'un des plus grands au monde, est fermé aux visiteurs depuis janvier 2017. Une petite partie de la collection d'environ 10 000 objets sera transférée prochainement au Humboldt-Forum. Mais les pièces extra-européennes – plus d'un demi-million –, restent en place. La Fondation du patrimoine culturel prussien souhaite construire là un campus de recherche. Quand ? Personne ne le sait. En attendant, les collections sont conservées dans un bâtiment datant des années 1960 où, quand il pleut, l’eau se répand dans les sous-sols, pénètre par les fissures du toit et endommage la façade.
Dahlem est représentatif de nombreux musées ethnographiques en Allemagne. On constate la même désolation au Linden-Museum de Stuttgart, au Museum am Rothenbaum de Hambourg et au musée des Cinq-Continents de Munich, qui gèrent l’urgence au mieux. Financièrement affamés depuis des décennies, ils accumulent des déficits énormes. La situation est d’autant plus critiquable et intenable que l’on entend régulièrement, lors des débats sur la restitution des œuvres d’art pillées dans les anciennes colonies, en particulier d’Afrique, que les musées des pays d’origine ne sont pas en mesure de conserver correctement les objets.
Deux autres musées à Berlin sont confrontés à un casse-tête différent. Le Humboldt-Forum, sur la Schlossplatz, comprenant les musées ethnologiques et d’art asiatique, aurait dû ouvrir en novembre 2019. L'ouverture a été reportée à septembre 2020. En raison du retard, le coût final de la construction s’élève à 644,2 millions d’euros, alors que la dernière estimation était plafonnée à 596 millions. Autre dossier à problème : le futur Museum der Moderne. En raison du doublement des coûts de construction, il est au cœur d’une controverse avant même la cérémonie d'inauguration, prévue début décembre. Le budget du musée, conçu par les architectes suisses Herzog & de Meuron, était initialement estimé à 200 millions. Le montant total du projet s’élève désormais à environ 450 millions d’euros. Il hébergera l'une des plus importantes collections d'art du XXe siècle, rassemblant des artistes tels que Beckmann, Kirchner, Höch, Paik, Tübke, Mattheuer, Genzken, Piene et Tillmans. À l’origine, il devait ouvrir ses portes en 2021 ; la fin des travaux est maintenant prévue pour 2026…