Le 17 novembre 2019, le Premier ministre Édouard Philippe a « rendu » au président sénégalais Macky Sall le sabre d’El Hadj Omar Tall, conservé au musée de l’Armée à Paris. Ce dernier avait été prêté au musée des Civilisations Noires de Dakar pour une durée d’un an. Les conservateurs du musée des Invalides ne s’attendaient probablement pas à ce que l’exécutif français prolonge le prêt de cinq ans, temps nécessaire pour engager une procédure de restitution. « Sa place est bel et bien ici, au cœur de l’ancien Empire Toucouleur », a dit Édouard Philippe. Ce sabre, pris par les troupes françaises en 1893 et donné au musée de l’Armée en 1909 par le colonel Archinard, était sur la liste des restitutions recommandées par le rapport de Bénédicte Savoy et Felwine Sarr sur le retour du patrimoine culturel africain remis il y a un an à Emmanuel Macron. Ce sabre fait partie des collections publiques et, à ce titre, est inaliénable. Il ne saurait donc être restitué. Or un bien culturel peut être déclassé et sortir du domaine public après avis conforme de la Commission scientifique nationale des collections, supprimée en septembre 2018. Cette procédure a vite été délaissée au profit de lois, comme ce fut le cas pour la restitution de têtes maories à la Nouvelle-Zélande en 2010. En recourant à un prêt de cinq ans – d’autres risquent de suivre –, le politique semble contourner cette règle de l’inaliénabilité en acculant le juridique devant le fait accompli. Le prêt concédé au Sénégal s’avère purement fictif, à l’instar du prêt des manuscrits de la Bibliothèque nationale de France à la Corée du Sud en 2010. Il impose désormais une officialisation de la restitution par le vote d’une loi car, dans les faits, celle-ci a bien eu lieu : le sabre n’a pas vocation à regagner la France.