Les choses vont aller vite maintenant que le Manifeste culturel d'Al Ula a été dévoilé, hier, lors d'une conférence de presse à l'Institut du monde arabe, en amont du vernissage de l'exposition qui figure déjà comme « un temps fort de la mise en lumière et révélation au monde d'Al Ula », comme l'a introduit Gérard Mestrallet, président de l'Agence française pour le développement d'Al Ula (Afalula). Les grandes lignes ont été dévoilées par Jean-François Charnier, responsable scientifique du pôle culture et patrimoine d'Afalula, dont les bases reposent sur l'archéologie et la recherche. Le royaume a entamé une petite révolution à l'instigation du prince héritier Mohammed ben Salman (MBS, peu en odeur de sainteté en Occident depuis l'affaire Khashoggi) qui entend faire de cette région la capitale culturelle, en reconnaissant une continuité historique avec les civilisations pré-islamiques, renversant a priori les fondements du wahhabisme, qui faisait commencer l'histoire avec l'Islam. Les premiers projets se concrétiseront par le lancement de sept missions archéologiques dès le mois d'octobre – avec une soixantaine d'archéologues du CNRS, des anthropologues du Muséum d'histoire naturelle, etc. – dont les travaux participeront à la compréhension et à l'écriture de l'histoire de l'oasis d'Al Ula, depuis la Préhistoire jusqu'à nos jours. À terme, serait créé un centre de recherches – le Kingdom Institute and Research Campus – qui pourrait devenir le « Getty Institute du Proche Orient » pour l'étude de l'art islamique ou pré-islamique, soit une autorité scienfitique de référence dans la région.
Repenser le concept de musée
« Nous allons essayer de réinventer l'idée même du musée autour d'une constellation des arts, de l'intégration de sites, de réflexions sur l'archéologie et l'histoire de l'art pour créer des équipements d'un nouveau genre » indique Jean-François Charnier. Cette muséologie du futur se déclinera en six grands musées. Le Black Basalte Museum - qui mérite son nom car posé sur le plateau du Harrat, grande étendue basaltique et désertique - traitera de l'histoire de la planète, de la Préhistoire, de cette couleur noire déclinée jusqu'à l'art contemporain. Le site phare Nabatéen de Hégra (la petite sœur de Pétra datant du Ier siècle de notre ère) sera raconté dans un centre d'interprétation (comprendre l'emplacement des tombes par rapport à la ville, les différentes influences qui ont abouti à un art syncrétique). La nature et l'écologie seront au cœur d'autres institutions : un musée du cheval ; les Life and Memory Galleries, qui évoqueront l'oasis et le génie de l'exploitation de l'eau ; Skyview, une sorte de planétarium moderne rendant hommage à la beauté de la voûte étoilée et à l'avancées des sciences du monde arabe ; la réserve naturelle de Sharaan, l'écrin pour introduire des léopards d'Arabie, une espèce protégée. C'est le milliardaire, collectionneur et mécène Thomas Kaplan, à travers sa société Panthera, qui supervise ce projet, très cher à MBS.
19 milliards ?
L'art contemporain est bien sûr de la partie, avec un centre d'exposition (et des cartes blanches à des commissaires invités) ainsi qu'une « Vallée des arts » (Wadi Al Fann) qui fonctionnera sur le principe de commandes de sculptures monumentales (le projet mérite encore d'être défini pour qu'il ne s'agisse pas d'une simple accumulation). Enfin, l'ancienne ville d'Al Ula, construite en terre et dont les dernières maisons ont été abandonnées au début des années 1980, va être restaurée en partie pour y installer des ateliers d'artisans, des résidences d'artistes... Pour l'instant, aucun calendrier n'est arrêté, la priorité étant donnée à la validation du masterplan, soumis par l'Afalula et qui comprend d'autres volets de développement : l'agriculture, l'architecture, le tourisme, l'hotellerie, la sécurité, la gestion de l'eau, le parfum et la botanique... Si le chiffre de 50 milliards d'euros a un temps circulé, Amr Al-Madani, le président-directeur général de la Commission royale pour Al Ula, avance aujourd'hui 19 milliards...