Le Quotidien de l'Art

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Âmes sans têtes

Âmes sans têtes
Couverture de l'Hebdo du 28 juin 2019
Séverin Millet

Cela fait neuf mois que la Villa Médicis est sans direction. Et c’est préoccupant. La nomination du ou de la successeur.e de Murielle Mayette-Holtz, nous dit-on, est suspendue à l’état des relations franco-italiennes, particulièrement exécrables, et à la refonte du réseau des résidences d’artistes à l’étranger qu’a promise Emmanuel Macron suite au rapport rendu (en septembre dernier !) par Thierry Tuot. Soit. Plus qu’une résidence où auteurs et artistes se la couleraient douce sous les pins parasols, rendant difficile tout retour à la vie civile, l’Académie de France à Rome est un symbole politique et diplomatique. C’est aussi un label d’excellence. Mais le symbole s’étiole à force de ne pas être incarné.

Ne pas précipiter une nomination, hautement politique, c’est raisonnable. Mais laisser le Palais de Tokyo sans tête depuis six mois, est-ce vraiment rationnel ? Bien sûr, on sait dans ces grandes institutions expédier les affaires courantes. Il y a toujours un numéro 2, derrière le numéro un – même Karl Lagerfeld a été remplacé au pied levé par son bras droit Virginie Viard. Le cas belge, depuis qu’en 2011 le plat pays a tenu plus d’un an sans gouvernement – et enregistré une croissance supérieure à la moyenne européenne – fait également rêver ceux qui font profession de scepticisme sur tous les pouvoirs. Pourtant, à force de laisser croire que les établissements culturels vivent très bien sans chefferie, la Rue de Valois finit par discréditer l’institution et la fonction.

Qu’est-ce qu’un palais de l’avant-garde s’il peut être administré par des administratifs ? Qu’est-ce qu’un directeur de résidence dont l’absence ne se ferait pas sentir ? Quant aux candidat.e.s, prié.e.s de taire leurs états d’âme et de ne pas ruminer sur leurs préavis s’ils sont déjà en poste, ils sont laissés à leur gamberge : sommes-nous trop mauvais pour le poste ou au contraire trop originaux ? À quoi servirons-nous, si tant est que nous sommes nommés, avec l’urgence de concevoir un programme à la hâte ? 

De tels atermoiements témoignent d’un mépris, d’une inertie ou d’une désinvolture de nos dirigeants. C’est aussi le signe d’une politique à plusieurs vitesses et d’un bon sens défaillant. Rien ne presse pour nommer les postes laissés vacants depuis longtemps. Il faut en revanche cravacher pour reconstruire Notre-Dame en cinq ans.  

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