Le Quotidien de l'Art

Politique culturelle

Formations art et culture : le match public/privé

Formations art et culture : le match public/privé
Vu du plateau étudiant de l'Ecole des Beaux-Arts de Nantes.
Photo Valéry Joncheray.

Les formations aux métiers de l'art et de la culture sont passées d'une logique de rivalité public-privé à une volonté de complémentarité. Analyse.

En matière de formations artistiques et culturelles, il y a longtemps eu une ligne Maginot entre le public et le privé, séparant d’un côté des écoles supérieures d’art ou des cursus universitaires et, de l’autre, des écoles spécialisées ou des programmes d’écoles de gestion parfois jugés onéreux. « Comme dans beaucoup d’autres domaines, il existe une distinction entre le public et le privé, tempère d’emblée Xavier Dupuis, responsable du master Management des organisations culturelles de l’université Paris-Dauphine. L’art et la culture n’ont réellement commencé à se professionaliser que dans les années 1980 et cela a longtemps donné une prime au secteur public. Mais les choses ont énormément changé et un vrai marché est apparu, ce qui explique qu’il y ait désormais un tel nombre de formations. » Tout premier cursus universitaire en administration de la culture, le programme pionnier de Dauphine a été lancé en 1985, à une époque où les rapprochements entre formations privées et publiques étaient encore embryonnaires. De part et d’autre, l’heure semble actuellement être aux logiques de partenariats. 

Un laboratoire nantais ?

À Nantes, l’École des Beaux-Arts et l’école de commerce Audencia ont ainsi mis en place une collaboration active et réfléchissent même à la création de formations communes, par exemple en muséographie. « Du côté du monde de la culture, on reste parfois relativement caricatural, note Pierre-Jean Galdin, directeur de l’École des Beaux-Arts de Nantes. Les étudiants d’école de commerce ne sont pas uniquement attirés par le profit, mais peuvent aussi être animés par la passion et un réel engagement : ils font équipe avec les étudiants d’école d’art et parviennent à monter des projets de qualité ensemble. »

Même son de cloche en terre bourguignonne, où Sophie Claudel, la directrice de l’École nationale supérieure d’art de Dijon, prône les échanges à un niveau pédagogique avec la Burgundy School of Business, mais revendique égalemement le fait d’organiser des expositions avec sa voisine ou même d’initier des chantiers de recherche. « Il y a parfois des réticences, confesse-t-elle, mais ce sont plutôt des questions de posture intellectuelle et cette attitude est souvent motivée par l’envie de rester dans un pré carré. » Pour les écoles privées spécialisées qui forment aux métiers de l’art et de la culture, le chemin s’est avéré plus long, notamment lorsque la dynamique territoriale et les effets de synergie ne jouaient pas pleinement.

Un marché mondial de l’éducation

« Dans la relation entre le public et le privé, il y a moins de rivalité stérile qu’auparavant, mais plutôt une partition, constate Boris Grébille, directeur général de l’IESA. Avec les écoles des beaux-arts ou les écoles de design, le public reste historiquement sur les formations à la création, à l’histoire de l’art ou au patrimoine. Le privé s’est progressivement positionné sur des secteurs de la culture relativement mixtes, a ouvert le champ à des segments comme le cinéma ou l’audiovisuel et à des métiers très variés, de la production à la communication. » En dépit de ces spécificités encore marquées, les passerelles avec la sphère publique se multiplient aujourd’hui à divers niveaux. « Il faut préciser qu’un nombre significatif de nos intervenants enseignent aussi à l’École du Louvre ou à l’université, par exemple à Paris 8, souligne Charlotte Carrard, directrice générale de l’EAC (École d'Art et de Culture). L’enseignement en mode projet peut également permettre de s’associer à une collectivité territoriale et de bénéficier de la grande souplesse d’organisation d’une école. »

Depuis quelques années, la plupart des écoles privées spécialisées ont intégré des groupes d’éducation plus ou moins importants, à l’instar de Studialis-Galileo pour l’IESA ou le réseau AD Éducation pour l’EAC. Parallèlement, des écoles de gestion de premier plan ont durablement installé dans le paysage leurs masters spécialisés, telles HEC avec son programme Médias, Art et Création ou l’ESCP Europe avec son cursus Management des biens et activités culturels, en partenariat avec l’université Ca’ Foscari de Venise. Ces phénomènes de déclinaison et de concentration illustrent les mutations en cours dans le domaine des formations artistiques et culturelles, portées par une internationalisation renforcée qui gomme les traditionnelles différences entre public et privé. Un marché mondial de l’éducation bouleverse les lignes.

Vue extérieure de la nouvelle école des Beaux-Arts sur l'île de Nantes.
Vue extérieure de la nouvelle école des Beaux-Arts sur l'île de Nantes.
Photo Luc Boegly/Franklin Azzi Architecture.
Portes ouvertes de l'Ecole nationale supérieure d'Art, Dijon.
Portes ouvertes de l'Ecole nationale supérieure d'Art, Dijon.
© ENSA, Dijon.

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