Le Quotidien de l'Art

Expositions

Nos expos coup de cœur

Nos expos coup de cœur
Sturtevant, "Felix Gonzalez-Torres America America", 2004. Coll. Pinault.


Vue de l'installation ‘Luogo e Segni’, à Punta della Dogana, 2019.
© Palazzo Grassi/Photo Delfino Sisto Legnani et Marco Cappelletti.

Il y a pléthore d’événements pendant ce festival mondial de l’art ! Le Quotidien de l'Art a retenu les plus ambitieux ou les plus étonnants. De designers dialoguant avec Van Eyck jusqu’à la collection Pinault métamorphosée par les éléments, en passant par les tornades Burri et Pascali, Venise n’a pas fini de vous secouer...

A/ De lumière et de vent

Indispensable exposition, notamment pour reposer l’œil et l’esprit après le brouhaha de la biennale. Composée par Martin Bethenod et la commissaire indépendante Mouna Mekouar, ce parcours est bien plus qu’une simple sélection dans la collection Pinault, qui célèbre en ce printemps ses dix ans sérénissimes. « Notre projet est pensé très précisément pour ce lieu qui fait figure de proue dans la ville, où la lumière se métamorphose en permanence avec le vent, où le brouillard s’infiltre parfois comme un être vivant. Nous voulions révéler l’esprit du lieu et sa capacité de métamorphose, avec une exposition qui change au gré de la journée. » Le rideau de perles de sang de Félix González-Torres, les bulles d’eau de Roni Horn, les paillettes au sol d’Ann Veronica Janssens, les lustres de Murano cryptiques de Cerith Wyn Evans, les gardiens fantômes de Tatiana Trouvé, le souffle amoureux de Charbel-joseph H. Boutros et Stéphanie Saadé... Tout joue sur le diaphane et l’évanescent pour renouer avec les éléments et le temps.

B/ Luc Tuymans, où est le vrai ?

Chez Luc Tuymans, ce qui se passe entre les œuvres, en leurs tréfonds, importe tout autant que ce qui affleure à la surface. Réalisés dans l’urgence, en une journée, d’après une image empruntée à l’histoire ou à l’actualité, les 80 tableaux du peintre belge réunis par la collection Pinault gagnent un peu plus en inquiétude sous la lumière de Venise. Le vrai, le faux, tout y est reconstruit, manipulé, travail de doute autant que de deuil, éclairé de quelques indices par les indispensables textes de la brochure donnée aux visiteurs. On pourra préférer les œuvres des années 1990 aux récentes, moins ténues, moins tenues. « Mais que les gens trouvent cela beau, ce serait une perversion totale », rétorque l’artiste.

C/ L'alchimie Kounellis 

Le palais de Prada fait toujours partie des must-see de Venise. Cette rétrospective de Kounellis ne déroge pas à la règle. Flamme, charbon, pierre, métal, transparence et gravité : pleins feux sur l’alchimiste de l’Arte Povera, disparu il y a deux ans.

D/ Joan Jonas, grande dame des océans

Quel plus bel écrin la fondation TBA21 aurait-elle pu choisir pour ce projet ? Dévolue à la protection des océans et au dialogue entre artistes et scientifiques, cette mécène militante a investi l’an dernier une église désaffectée afin d’y déployer son programme d’expositions, de colloques et d’actions de sensibilisation envers le jeune public, en étroite collaboration avec l’Istituto di Scienze Marine de Venise et le fonds de l’Unesco dédié aux océans. Pour cette ouverture en majesté, ils ont invité la New-Yorkaise Joan Jonas, pionnière de la performance, qui dévoile ici le fruit de sa résidence en Jamaïque, un des écosystèmes que TBA21 a pris sous son aile. On pouvait s’y attendre de la part de cette grande chamane de la vidéo : le résultat est bouleversant. Bioluminescences et sirènes de pacotille, phoques gracieux et créatures des grands fonds y dialoguent avec l’artiste, et tout un groupe d’enfants invités à intercéder auprès de nous pour les océans. Une superbe façon d’inviter à aiguiser notre conscience écologiste !

E/ Frankenthaler, un comeback

Helen Frankenthaler (1928-2011) était l’une des rares femmes du mouvement expressionniste abstrait. On découvre enfin la stupéfiante luminosité de ses color fields, restés un brin dans l’ombre de son époux Robert Motherwell. Ses toiles n’avaient pas été vues à Venise depuis leur apparition au pavillon américain de 1966 !

Venise dans l'œil d'Horvitz

La fondation française Lab’Bel poursuit son projet « 3 Easy Pieces », amorcé en 2015, en invitant David Horvitz, poète et artiste vivant à Los Angeles, à s’infiltrer dans les interstices de la cité lagunaire. Accessible à tous, cette promenade performative mêle des joueurs d’orgue, des artisans, des guides touristiques et des fabricants de glaces.

G/ Gorky, un météore

Enfant de Cézanne et du surréalisme d’André Breton, le plus singulier des expressionnistes abstraits fait l’objet d’une rétrospective de 80 œuvres, la première de cette ampleur en Italie, qui met l’accent sur ses dessins.

H/ Une famille très Fortuny

La famille Fortuny revient hanter le somptueux musée qu’elle a offert à Venise. Le peintre espagnol Mariano Fortuny y Marsal (1838-1874) et son fils couturier Mariano Fortuny y Madrazo, tous deux artistes et collectionneurs, font à nouveau souffler leur esprit wagnérien sur les lieux.

I/ Le laboratoire Pinchuk

Rituelle présentation des 21 postulants au prix 2019 de la Victor Pinchuk Foundation, attribué en mars dernier à la Lituanienne Emilija Škarnulyté : un panorama international, du Nigeria à la Colombie en passant par la Thaïlande. Parmi nos préférés, Laura Huertas Millán, Marguerite Humeau et Cooking Sections.

J/ Design/peinture, un face à face

L’Atelier Van Lieshout face à Mantegna, Maarten Baas en dialogue avec Van Eyck, Stuart Haygarth confronté au Bernin ? La Carpenter’s Workshop Gallery s’offre une prestigieuse annexe à Venise, en envahissant le sublime palais de la Ca’ d’Oro avec la crème des designers qu’ils représentent. Du gothique 3.0.

K/ Concerto d'Arp

Les 7 œuvres détenues par le musée ont été multipliées par 10 : elles sont ainsi 70 à donner un aperçu de l'art en volume (et pas que) de ce créateur à la longue trajectoire. Passé par Dada, Jean Arp (1886-1966) aboutit à une sculpure de formes courbes et organiques, qui entrent en résonance avec les actuelles préoccupations environnementales.

L/ Vedova, Baselitz, une amitié

Deux créateurs iconoclastes, liés par plus de trente ans d'amitié, depuis la première rencontre à Berlin dans les années soixante jusqu'à la mort de Vedova en 2007. Baselitz lui avait rendu hommage à cette occasion lors de la Biennale et il réitère avec un accrochage très personnel. On peut aussi voir Baselitz avec ses propres œuvres, cette fois-ci, à l'Accademia.

M/ Burri à travers les âges

Inclassable et solitaire, adepte d'un art très physique, celui que ses voisins prenaient pour un original lorsqu'il recherchait les sacs de jute du plan Marshall est devenu un incontournable de l'art d'après-guerre. Alberto Burri (1915-1995) est présent avec une cinquantaine d'œuvres, balayant toutes ses périodes, des Sacs aux Cellotex en passant par les Combustions et les Plastiques. Un juste retour pour celui qui participa à la Biennale dès 1952.

M/ Maurice Marinot, The Glass

Après avoir débuté dans la peinture, Maurice Marino s’éprend de la verrerie dans les années 1920. 220 objets et esquisses de l’artiste dévoilent l’usage singulier qu’il fit du matériau, dont il prenait goût à tester les limites, en créant délibérément du verre imparfaitement raffiné, aux bulles apparentes ou à la surface très épaisse. Des effets de style que son œil visionnaire avait repéré bien avant qu'ils deviennent des grandes tendances du design actuel...
 

N/ Pascali, un James Dean de l'art

L'un des champions de l'Arte Povera, trop tôt disparu (d'un accident de la route en 1968, à l'âge de 33 ans), est ici évoqué par des sculptures et des vidéos mais aussi par un aspect beaucoup moins connu de son œuvre, la photographie, dont on a retrouvé récemment un ensemble important.

O/ Dernières nouvelles du design

Un panorama des dernières tendances du design européen et mondial, qui n'oublie pas de se connecter à la réalité locale : un parcours permet d'identifier 42 designers installés à Venise.

P/ L'Écosse de Prodger 

Explorer la queer wilderness dans le texte : voilà l’excitante ambition de la toute dernière Turner Prize. Charlotte Prodger dévoile à Venise un film où elle mêle road-movie rural et gender studies, de sa manière si singulière. « Moi qui m’identifie comme queer, je suis fascinée par les limites fluides de l’identité, qu’il s’agisse de genre ou de géographie », résume-t-elle, en exploratrice de l’intime qui aime à prendre le détour du paysage.

Q/ Parreno polyphonique

Déjà présent avec son film Marilyn à Punta della Dogana, l'artiste revient ici avec un projet polyphonique comprenant sculptures, musique et vidéos.

Et aussi…

Zad Moultaka dialogue avec James Lee Byars à l’église Santa Maria della Visitazione (jusqu’au 24 novembre) / Gunther Förg est au Palazzo Contarini Polignac (jusqu’au 23 août) / Adrian Ghenie est au Palazzo Cini (jusqu'au 18 novembre) / Sean Scully montre ses créations récentes à l’abbaye de San Giorgio Maggiore (jusqu’au 13 octobre) / La photographe palermitaine Letizia Battaglia est célébrée à la Casa dei Tre Oci sur la Giudecca (jusqu’au 18 août) / « Looking for Utopia » s’intéresse aux projets jamais réalisés des artistes à l’hôtel boutique Novecento (jusqu’au 8 juillet) / A la Fondation Berengo à Murano, Glasstree montre l’usage du verre par les artistes contemporains (jusqu’au 24 novembre) / Les amateurs d’art ancien ne manqueront pas les derniers jours des expositions consacrées à Canaletto au palais des Doges (jusqu’au 9 juin) et à Léonard de Vinci à l’Accademia (jusqu’au 14 juillet) / Et tant d’autres rendez-vous que nous n’avons pas la place de mentionner…

Luc Tuymans, Twenty Seventeen, 2017, huile sur toile, 94,7 x 62,7 cm
Coll. Pinault.
Luc Tuymans, Twenty Seventeen, 2017, huile sur toile, 94,7 x 62,7 cm
Coll. Pinault.
© Studio Luc Tuymans.
Publié dans le MENSUEL !
C
Jannis Kounellis, "Tragedia civile. The black rose, Lucio Amelio Modern Art Agency, Napoli", 1975.
Publié dans le MENSUEL !
C
Jannis Kounellis, "Tragedia civile. The black rose, Lucio Amelio Modern Art Agency, Napoli", 1975.
© Archivio Storico Mimmo Jodice.
Joan Jonas, Moving Off the Land II, 2019, capture vidéo.
Joan Jonas, Moving Off the Land II, 2019, capture vidéo.
Courtesy Joan Jonas.
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Helen Frankenthaler, Open Wall, 1953, huile sur toile non préparée, 136,5 x 332,7 cm.
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Helen Frankenthaler, Open Wall, 1953, huile sur toile non préparée, 136,5 x 332,7 cm.
© 2019 Helen Frankenthaler Foundation, Inc./© ADAGP, Paris 2019/Photo Rob McKeever/Courtesy Gagosian.
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David Horvitz, When the Ocean Sounds (Big Wave Coming from the Distance),  2018.
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David Horvitz, When the Ocean Sounds (Big Wave Coming from the Distance), 2018.
Courtesy David Horvitz et ChertLüdde, Berlin.
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Arshile Gorky, Landscape-Table (Table-paysage), 1945, huile sur toile, 92 x 121 cm.
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Arshile Gorky, Landscape-Table (Table-paysage), 1945, huile sur toile, 92 x 121 cm.
© Photo CNAC/MNAM Dist. RMN/© Philippe Migeat.
Mariano Fortuny y Madrazo,  Portrait d'Henriette Fortuny, 1915, tempera sur carton, 50,5 x 34 cm.
Mariano Fortuny y Madrazo, Portrait d'Henriette Fortuny, 1915, tempera sur carton, 50,5 x 34 cm.
© Fondazione Musei Civici di Venezia/Museo Fortuny.
Toyin Ojih Odutola, By Her Design, 2017.
Toyin Ojih Odutola, By Her Design, 2017.
Courtesy PinchukArtCentre.
Studio Drift, Fragile Future, graines de pissenlit, bronze phosphoreux, leds. Exposition à à Cidade Matarazzo, Sao Paulo.
Studio Drift, Fragile Future, graines de pissenlit, bronze phosphoreux, leds. Exposition à à Cidade Matarazzo, Sao Paulo.
Courtesy Carpenters Workshop Gallery.
Le bâtiment Ca' d'Oro.
Le bâtiment Ca' d'Oro.
Courtesy Galleria Franchetti all
Nacho Carbonell, Lily Pad Tree, 2018, trame en acier, maille métallique, béton, plâtre et mélange de paverpol, 174 x 112 x 112 cm.
Nacho Carbonell, Lily Pad Tree, 2018, trame en acier, maille métallique, béton, plâtre et mélange de paverpol, 174 x 112 x 112 cm.
Courtesy Carpenters Workshop Gallery.
Charlotte Prodger, BRIDGIT, 2016, vidéo.
Charlotte Prodger, BRIDGIT, 2016, vidéo.
Courtesy Charlotte Prodger.
O // PHOTO EXCLU
Montage de Venice Design 2019, avec les pièces de Nina van Bart et Hongtao Zhou en premier plan.
O // PHOTO EXCLU
Montage de Venice Design 2019, avec les pièces de Nina van Bart et Hongtao Zhou en premier plan.
© Photo Matteo Losurdo.

Article issu de l'édition Hors-série du 11 mai 2019