Qu’est-ce que le Land Art ? À cette question, nombre d’artistes et de théoricien.ne.s de l’art ont tenté de répondre, sans parvenir à se mettre complètement d’accord. La dénomination est floue pour certain.e.s, très précise pour d’autres. « Pas un artiste, à part Walter De Maria, ne s’est réclamé du Land Art, faute de savoir ce que ce terme recouvre, écrivait Gilles Tiberghien en 1993 dans son ouvrage Le Land Art. On lui a souvent préféré des dénominations encore plus vagues, constituant en tout cas des ensembles beaucoup plus vastes, tels que "art processuel", "art environnemental", "art écologique", "art total" ». N'usant pas toujours de ces dénominations, les pratiques artistiques actuelles utilisent la terre (incluant les végétaux, l'eau, le feu…) à la fois comme médium et comme message, s’enracinent et s’ancrent dans le paysage – voire le modifient – ou intègrent la terre comme matière au sein des musées et galeries. Étudier de telles pratiques pose, en creux, la question : quand y a-t-il art ? Uniquement dans le musée ou la galerie ? Enraciner son œuvre dans le paysage ou sculpter la nature montre-il toujours une volonté des artistes d’attirer l’attention sur les questions d’écologie et de développement durable ?
Bien établie géographiquement, l’aventure intellectuelle du Land Art se déroule en majeure partie aux États-Unis à la fin des années 1960 et dans les années 1970. Certains artistes qui y sont affiliés, comme Michael Heizer, parlent clairement de leur désir de voir naitre un art typiquement américain bien que le travail d'autres artistes, comme le Britannique Richard Long, y soient aussi associés. C’est en 1968 qu'a lieu l’exposition fondatrice, « Earthworks », à la Dwan Gallery de New York, qui soutint également l’art minimal. Avec elle, le Land Art s’institutionnalise et sa définition se précise : le sociologue Jean-Paul Brun explique dans son ouvrage Un sociologue sur les terres du Land Art que ce terme recouvre « aussi bien les œuvres conventionnellement décrites comme earthworks, c’est-à-dire dont le médium est la terre elle-même, une terre malmenée, labourée et creusée, entassée, empilée, aplanie et arrondie, tranchée ; mais cette désignation implique aussi par extension tous les projets qui engagent le Land dans une relation de réciprocité, de processus, de dialogue avec l’environnement ayant été engagée par les artistes minimalistes ». De Spiral Jetty de Robert Smithson – nommée « œuvre d’art de l’État » par l’Utah en 2017 et récemment menacée de destruction – à Double Negative de Michael Heizer, comment les pratiques de ces artistes pionniers du Land Art ont-elles infusé les travaux des plasticien.ne.s d’aujourd’hui ?
Une clairvoyance poétique
Depuis 2005, le Centre d’art et de nature du domaine de Chaumont-sur-Loire organise une saison d’art dont « la programmation artistique a toujours été liée à la nature », explique sa directrice générale Chantal Colleu-Dumond. « C’est dans notre ADN, en raison du paysage très riche aux alentours »,…