Le Quotidien de l'Art

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Responsabilité

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Couverture de l'Hebdo du 19 avril 2019.
Séverin Millet

soit dit en passant

« Nous rebâtirons tous ensemble », a promis Emmanuel Macron au lendemain de l’incendie qui a ravagé la cathédrale Notre-Dame de Paris. « Nous reconstruirons », avait écrit le quotidien Ouest France en une de son hors-série consacré en 1994 à la destruction par le feu du Parlement de Bretagne. À chaque fois, le scénario est le même : incendie d’un monument historique, sidération devant les dommages, mobilisation… du privé.

Plutôt que débloquer des fonds spéciaux, le président de la République a tendu la sébile. Les promesses de dons ont d’ailleurs fusé – près d'un milliard d’euros ! –, au grand dam des associations caritatives, qui ne pourraient espérer une fraction de cette mobilisation... Si les Misérables continuent à tirer le diable par la queue, pour Notre-Dame, la quête est fructueuse : 100 millions d’euros pour François Pinault, 200 millions pour Bernard Arnault – tous deux ayant renoncé à une défiscalisation –, 100 autres millions pour la Fondation Bettencourt-Schueller…

À défaut de le trouver dans la foi, séparation de l’Église et de l’État oblige, c’est dans le mécénat que les pouvoirs publics cherchent leur salut, oubliant qu’ils sont bel et bien responsables et comptables de l’état piteux du patrimoine français en général et des édifices religieux en particulier. Ainsi la flèche de Notre-Dame, reconstruite dans les années 1860 par Viollet-le-Duc, n’avait pas été restaurée depuis les années 1930. Les circuits électriques de la cathédrale de Strasbourg sont dans un tel état de vétusté qu’on redoute pareille catastrophe. Didier Rykner de la Tribune de l’Art le martèle de chroniques en coups de gueule, le « plan Églises » de 80 millions d’euros sur six ans, lancé en 2014 par la Mairie de Paris, est insuffisant. La somme de 320 millions d’euros dédiée chaque année par l’État au patrimoine l’est tout autant. Tout comme est absurde la priorisation des chantiers, laissée bizarrement aux bons soins des élus et du clergé et non des spécialistes de la restauration.

L’herbe serait-elle plus verte ailleurs ? Oui, affirme l’historien d’art Jean-Michel Leniaud dans La Croix, citant le cas des cathédrales médiévales en Suisse, mieux protégées selon lui. Et de soupirer : « Chez nous, on s’imagine que le patrimoine va durer éternellement sans rien faire ». Or, l’attente génère bien plus de dépenses qu’un vrai plan d’attaque. Au lieu de prendre leur responsabilité, nos chers crocodiles pleurent la destruction d’un symbole de la nation. À votre bon cœur messieurs dames !

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