Pour la première fois en 58 éditions, l’Algérie disposera d’un pavillon à la Biennale de Venise. On pourrait s’en réjouir tant il est essentiel que ce grand concert des nations artistiques s’élargisse à d’autres voix. Un hic toutefois : le curateur du pavillon, Hellal Zoubir, a choisi d’y inclure sa fille, l’artiste Amina Zoubir. Celle-ci a de bons états de service et sa prestation à la dernière Biennale de Dakar en 2017 était intéressante. Mais au moment où la jeunesse algérienne qui défile dans les rues rejette la classe politique dirigeante, la pilule ne passe pas. « Le peuple se bat entre autres contre le népotisme et là c’est exactement ce qu’on nous sert », s’insurge l’artiste Zineb Sedira, sidérée, comme certains de ses compatriotes, par le manque de transparence de cette opération.
Ce débat en amène un autre : les commissaires doivent-ils renoncer à présenter leurs conjoint(e) ou ami(e)s ? Voilà deux ans, d’aucuns s’étaient émus que Christine Macel ait inclus son compagnon Michele Ciacciofera à la Biennale de Venise et que dans le même temps, Adam Szymczyk ait intégré sa compagne Alexandra Bachzetsis à la documenta de Cassel. Ces deux artistes n’étaient pourtant pas des inconnus, ils n’avaient pas attendu leur conjoint pour exister, voire briller. C’est oublier aussi que le critique d’art Clement Greenberg avait promu sa compagne Helen Frankenthaler. Et, comme le rappelait le site Artnet en 2017, que le grand curateur Harald Szeemann avait impliqué sa femme Ingeborg Lüscher dans nombre de ses expositions, y compris à la Biennale de Venise.
Ceux qui hurlent au conflit d’intérêt s’abritent derrière l’objectivité. Soyons honnêtes ! Le jugement artistique objectif n’existe pas. Pas besoin de lien de parenté pour se choisir toujours une « famille » de pensée, une « communauté » d’esprit. Au gré du hasard et des rencontres naissent camaraderies et complicités. Et plus si affinités. La question fondamentale est de savoir si l’affection améliore notre jugement en nous rendant réceptif aux nuances les plus fines ou si, au contraire, elle fragilise nos facultés critiques en brouillant notre objectivité, se demandait en 2016 Philip Kennicott, critique d’art du Washington Post. Et de trancher : « Le mélange de l’amitié et de la critique améliore incroyablement notre jugement... Idéalement, les critiques devraient être amis avec tous les créateurs, afin de mieux cerner leur travail dans ses détails les plus intimes. Mais, en pratique, c’est impossible. Et honnêtement, combien d’artistes voudraient nous supporter ? »