La culture pour tous, une vieille pantoufle ? On pourrait le croire, tant ce sujet a été oublié du Grand Débat National organisé par Emmanuel Macron. Il ne figure pas non plus au menu des revendications des « gilets jaunes », polarisées par d’autres types de consommation que celle des biens culturels. Ce sujet sera l’un des axes prioritaires débattus lors des forums du Grand Débat de la Culture organisé par Beaux Arts magazine, le Quotidien de l'Art et la Fondation du patrimoine, le 5 mars à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris, puis le 10 mars au Centquatre (granddebatculture.fr). Pourquoi remettre sur le tapis un sujet que personne ne réclame, hormis les professionnels du secteur ? Parce que le chantier de la démocratisation culturelle n’a pas entièrement abouti. Certes, en 2018, les ouvriers et employés représentaient 18 % des visiteurs du Louvre-Lens et 29 % du Centre Pompidou-Metz. Reste que plus d’un Français sur deux ne met pas les pieds dans les lieux culturels.
Et d’ailleurs, de quelle culture cause-t-on ? Une grande partie de la population ne se reconnaît pas dans les musées et centres d’art, si tant est qu’elle ait connaissance de cette offre, fut-elle plurielle et décentralisée. À ses yeux, la démocratisation culturelle telle que pratiquée à ce jour se réduit à une forme de paternalisme : la culture d’en haut semant des poussières d’or sur le peuple d’en bas. L’incompréhension se lit dans les deux sens : vu des sommets tout ce qui est jugé populaire est l’objet de sarcasme. La preuve par Vasarely : boudé par les institutions françaises pendant plus de 30 ans, il aimante depuis quelques semaines plus de 5000 visiteurs par jour au Centre Pompidou – un record de fréquentation. De la même façon, lesdites institutions ignorent la bande dessinée, le street art, les jeux vidéo ou l’art brut, plébiscités par le grand public. Aussi le fossé entre des acteurs culturels – qui ne demandent qu’à bien faire – et une audience – qui ne s’y retrouve pas – se creuse d’année en année. Les musées ont beau afficher des taux de fréquentation en hausse constante (+ 25 % au Louvre, + 42 % au musée du Luxembourg en 2018), la sociologie de leur public n’évolue pas ou peu.
Que faire ? Notre Grand Débat de la Culture permettra peut-être de faire jaillir la lumière. En attendant, dans son opus La Culture pour tous publié en 2016, Jean-Michel Tobelem, directeur du site Option Culture, avait donné quelques pistes, qui n’ont pas été épuisées, loin s’en faut : s’appuyer sur les réseaux du ministère de la Jeunesse et des Sports, accorder davantage d’importance aux acteurs chargés des politiques des publics (et pas seulement aux programmateurs), encourager l’évaluation – un gros mot dans notre milieu. On rajoutera à la liste : retricoter un tissu culturel et associatif local – dont les subventions n’ont cessé de baisser – sans le lequel rien n’est possible.