Les penseurs de la décentralisation culturelle comptaient sur les régions pour engager le mouvement. Ce sont plutôt les grandes villes, devenues métropoles, qui prennent les initiatives les plus originales, les plus ambitieuses, les plus marquantes. Le Voyage à Nantes en est une, la Biennale d’art contemporain de Lyon, une autre. Le projet qui prend corps à Montpellier, baptisé MoCo, symbolise également la vitalité culturelle hors du périphérique. Dirigé par Nicolas Bourriaud, ce conglomérat réunira une école d’art municipale, La Panacée et un espace dédié à l’exposition de collections publiques ou privées du monde entier. L’engagement financier est colossal – 22 millions d’euros. À la mesure des besoins d’une agglomération de 465 000 habitants qui refuse de dissoudre sa politique culturelle dans l’acide de la crise.
Il serait facile de réduire les ambitions culturelles de Philippe Saurel, maire « divers gauche free style », à un simple outil de marketing territorial et électoral en prévision des municipales de 2020. Ou de limiter à l’envie de faire la nique à Toulouse, la rivale, la multiplication des chantiers menés sans augmentation des impôts locaux (conservatoire régional, rénovation du Théâtre du Hangar, transformation du site de l’EAI en cité créative). Philippe Saurel se fout bien de ces commentaires si... provinciaux. Aussi émacié que son mentor Georges Frêche était épais, il agit.
N’allez pas, devant le maire colérique, invoquer Bordeaux, Nice, Marseille, ni même Bilbao. S’inspire-t-il de Jean Blaise, promoteur de la révolution culturelle nantaise ? Connait pas ! Non, pour lui, Montpellier est unique, une « Jérusalem céleste », rien de moins ! De manière plus terre à terre, il fait remarquer que 40 % de la population de Montpellier a moins de 30 ans et que 20 % n’y est pas né. Sans être pauvre, la métropole recense son lot de quartiers chauds et de zones périphériques paupérisées, qui passent l’arme à l’extrême-droite, et où la radicalisation islamique ne cesse de prospérer.
Dans un tel contexte, le pari de l’art comme ciment social, martelé par Philippe Saurel, vaut mieux que des moqueries. À Montpellier, La Panacée, le musée Fabre et l’Opéra, trois phares de la ville, travaillent en bonne intelligence en accueillant les résidents des uns et des autres. Quand tant de lieux se tirent la bourre pour grappiller des subventions, cette apparente synergie montre un exemple de fraternité bienvenu. Médiation, ouverture sur le monde… Autant de notions vertueuses que les autorités centrales ont oubliées.