Le musée a longtemps constitué un temple sacré, où le commerce n’avait pas droit de cité. Jusqu’au développement, au milieu des années 1980, des librairies-boutiques de musées ; avec les réserves qui vont avec : l’art acclimaté à la culture de masse devient un objet de consommation. De l’eau a coulé sous les ponts. « Autrefois, il pouvait y avoir des réticences de la part des conservateurs. Aujourd’hui, la réticence porte non pas sur l’existence de ces produits, mais sur leur pertinence », indique Aurélie Cauchy-Laure, directrice du développement extérieur au musée d’Orsay. Car les boutiques sont devenues des sources non négligeables de revenus. Selon la Museum Shops Association, elles contribuent entre 4 et 25 % du chiffre d’affaires des musées américains. La vente de produits dérivés dans les boutiques de la Réunion des Musées Nationaux (RMN) connaît un rebond, avec un total de 52,7 millions d’euros en 2017, en progression de 10 %.
Aujourd’hui, sortir d’un musée sans passer par la case boutique relève de l’exploit, tant ces espaces ont été repensés pour transformer les visiteurs en consommateurs. En dix ans, la mutation est saisissante. Les boutiques du MoMA à New York et du Victoria & Albert Museum à Londres ont donné le la : elles ne sont plus tant les vitrines des institutions dont elles portent le nom que celles du design international. D’autres établissements leur ont emboîté le pas. Gérée et relookée depuis 2013 par l’enseigne Arteum, distributrice de produits culturels et touristiques, la boutique du musée des Arts décoratifs a tout d’un concept-store foisonnant de trouvailles, où l’offre est renouvelée à 50 % par an. Si le magasin du musée d’Orsay dispose d’une remarquable section librairie spécialisée dans le XIXe siècle, il propose aussi des objets éloignés du cœur de ses collections ou expositions. « Une boutique de musée est devenue un lieu de destination, qui peut être un moment indépendant de la vie du musée où on peut faire des achats impulsifs », résume Aurélie Cauchy-Laure.
Prolonger l'expérience
Aussi rien n’est laissé au hasard. Pour Marianne Lesimple, directrice commerciale et marketing à la RMN, « la boutique est le prolongement de l’expérience de visite. C’est la possibilité de repartir avec une image durable de l’exposition. » Un prolongement qui ne se résume pas au catalogue ou autres livres édités pour l’occasion. Pour chaque exposition, la RMN prévoit une cinquantaine de références déclinées sur plusieurs supports, dans une fourchette large de prix de 1,20 euro pour une carte postale à plus de 1000 euros pour une tapisserie. Dans le cas de l’exposition Miró, qui s’achève le 4 février au Grand Palais, deux lignes thématiques ont été retenues après des heures de discussion avec les commissaires et les ayants droit. Car il faut respecter l’image de l’artiste, veiller à la qualité des reproductions – et on sait dans le cas de Miró comme la couleur est capitale. Au final, la boutique a proposé 115 créations spécifiques, dont 40 cartes postales et 100 produits dits de négoce, achetés auprès de fournisseurs tels que Pansu ou Bernardaud. Toute la difficulté étant de s’adapter aux spécificités de chaque public.
Pas évident de plaire à tout le monde. À Orsay, les produits déclinant le portrait de la mère de Whistler font un carton auprès des Américains depuis que Mr Bean en a simulé le vol dans un film, tandis que les Japonais ne jurent que par les Nymphéas de Monet. Tout est aussi question de saisonnalité et la durée de vie d’un produit dérivé est variable. Certains, comme l’étole Nymphéas ou le magnet Joconde, introduits en 2012, figurent toujours parmi les best-sellers de la RMN. Quant aux invendus, ils ne sont pas pilonnés, mais lentement éclusés via Internet. « On sait acheter les bonnes quantités et combien d’objets commander pour avoir un juste équilibre d’une exposition à l’autre », poursuit Marianne Lesimple.
Air du temps et esprit du lieu
Depuis quelques années, les musées se sont mis en tête de dépoussiérer l’offre en capturant davantage l’air du temps. « On doit montrer des découvertes, être les premiers à proposer les…