Le Quotidien de l'Art

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Décès de Nicola L., artiste féministe pionnière

Décès de Nicola L., artiste féministe pionnière
Nicola L..
D.R.

L’artiste française Nicola L. est morte à Los Angeles le 31 décembre 2018. Son parcours est représentatif de la liberté conquise par les femmes dans l’agitation sociale et politique des années 1960. Née en 1937 à Mazagan au Maroc, elle épouse en 1956 le galeriste bruxellois Fred Lanzenberg, avant des études à l’académie Julian et à l’école des Beaux-Arts de Paris, où elle pratique la peinture, dont elle s’écarte à partir de 1964. Une décision prise suite au suicide de l’artiste argentin Alberto Greco qui l’avait interrogée : « Comment peux-tu peindre comme ça aujourd’hui ? » Nicola L. brûlera toutes ses peintures abstraites et s’engage dans un travail autour du corps et de la peau, exemplaire des paradoxes et ruptures de la seconde vague du féminisme. À la suite d’une performance à la Biennale de Paris avec le groupe anglais Soft Machine en 1966 – une peau cylindrique rose pour trois personnes –, la troupe La MaMa Theater l’invite à New York, où elle rencontre la scène artistique d’avant-garde. Elle sera désormais identifiée par ses Pénétrables, invitant le spectateur à pénétrer et activer ses œuvres. « L’idée était de ne plus regarder, mais d’entrer (…) C’était comme une vie qu’on donne, comme un Frankenstein. Avoir une seconde peau, partager la peau avec les autres », affirmait-elle. Lors du festival hippie de l’île de Wight en 1969, elle réalise une célèbre performance, Le Manteau rouge, immense toile qui recouvre une dizaine de corps nus, accompagnant les musiciens Gilberto Gil et Caetano Veloso. Dans son travail, le rôle du corps dans la compréhension du monde se situe à l’intersection contradictoire entre une appropriation émancipatrice et une objectification du corps des femmes par l’art et le commerce. Elle traduit cela dans sa série de corps-meubles (exposés chez Daniel Templon en 1969) : un pied-canapé, des lèvres ou un œil devenus lampes, La Femme commode ou Petite-Femme-télévision. Proche des Nouveaux Réalistes (« Ils regardaient nos jambes et se fichaient pas mal de ce qu’on faisait », dira-t-elle), elle découvre à New York de nouveaux matériaux (vinyle, plastique) et s’installe définitivement en 1979 au mythique Chelsea Hotel, où elle se met au cinéma (des portraits des activistes Kate Millett, Stokely Carmichael ou Angela Davis). Exclu des radars, son travail a fait un retour triomphal ses dernières années, des galeries Patricia Dorfmann (2006) à Hauser & Wirth (2016), et avec une rétrospective en 2017 au Sculpture Center de New York. Son éthique du soin et du rassemblement, tout comme le rapport de ses objets (qu’elle qualifiait de « fonctionnels ») avec le design, sont résolument précurseurs de pratiques actuelles. 

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