Avant le tomber de rideau, des enfants devaient jeter de fausses grenades sur un portrait du Christ, mais le préfet de la Sarthe en a décidé autrement. Au printemps dernier, le spectacle de Romeo Castellucci, Sur le concept du visage du fils de Dieu, accueilli aux Quinconces, la scène nationale du Mans, a fait les frais de cette décision. Une pièce de théâtre ainsi amputée de sa scène finale sur ordre d’un représentant de l’État, voilà qui n’est pas banal… « L’arrêté du préfet repose sur des considérations ambiguës qui relèvent de la moralité, a estimé le metteur en scène. Cela ouvre une porte problématique : qu’est-ce que la moralité ? Pour qui ? À partir de quoi ? D’une foi ? Mais quelle foi ? D’un credo, d’une idéologie peut-être ? Je pense que c’est plutôt une idéologie. Derrière la décision, il y a des groupes de pression très forts ». De fait, une poignée de militants du Front national et de l’Action française, mouvance royaliste héritière de Charles Maurras, ont agité des banderoles et lancé des fumigènes devant le théâtre en question. Fleurs de lys et drapeaux tricolores pour protester contre le spectacle jugé « blasphématoire ».
Ces dernières années, une nébuleuse composée de groupuscules proches de l’extrême droite s’est mise à cibler des lieux culturels – théâtres, musées, salles de concerts – au moyen d’opérations coup de poing, pour gagner en visibilité. L’Action française se dispute ainsi l’affiche avec des catholiques intégristes galvanisés par la Manif pour tous, ou Génération Identitaire qui s’est récemment invité devant le Bataclan pour demander l’annulation des concerts du rappeur Médine. Dans le secteur des arts visuels, ils s’en sont pris au Musée national de l’histoire de l’immigration pour exiger sa fermeture, à une exposition d’art contemporain de la Friche la Belle de Mai à Marseille taxée de « pédopornographique », au plug géant de Paul McCarthy installé sur la place Vendôme, ou aux installations de Jeff Koons, accusées de défigurer le château de Versailles. À noter que ces actes ne sont pas toujours revendiqués : ce…