En début d’année, David Zwirner annonçait en fanfare la naissance, en 2020, d’un nouvel espace à New York. Le giga-galeriste américain, qui réalise un chiffre d’affaires annuel d’environ 500 millions de dollars, y possède déjà trois espaces. En anglais dans le texte, « the sky is the limit ». Moins d’une semaine plus tard, la jeune galerie londonienne Rokeby adressait son propre faire-part d’enterrement, après seulement treize années d’existence. Au cours de la seule année 2017, ses consœurs Vilma Gold, Ibid, Laura Bartlett et Carroll/Fletcher l’avaient déjà précédée dans cette difficile décision. À Berlin, c’est Micky Shubert qui a baissé le rideau. Paris n’est pas épargné par la vague de fermetures. Triple V, qui avait investi un espace de 500 m2 rue du Mail, prévoit de fermer, tout comme le jeune Samy Abraham, qui a ouvert voilà sept ans. Quant à la galerie Bugada & Cargnel, elle a décidé de se mettre en veille, le temps de rebondir avec d’autres projets.
Sur la crête du marché, les galeries courent après les mètres carrés. C’est à qui en aura le plus : 11 600 m2 répartis entre Paris, Pantin, Londres et Salzbourg pour Thaddaeus Ropac ; plus de 5 500 m2 pour Emmanuel Perrotin qui dispose d’espaces à Paris, New York, Hong Kong, Séoul et Tokyo. Même la Lisson Gallery, pourtant réfractaire à toute course à l’échalote, a ouvert une antenne à New York. D’autres font le pari de destinations « exotiques ». Le Londonien Thomas Dane a ouvert à Naples, le trio italien de Galleria Continua s’est exporté à La Havane. Non content de ferrer les acheteurs asiatiques dans ses antennes de Pékin, Hong Kong et Séoul, Pace drague aussi la Net économie à Palo Alto, en Californie.
Derrière l’insolent succès des mastodontes, il y a le quotidien de galeries de taille intermédiaire établies, qui travaillent d’arrache-pied pour être dans la course. « Il y avait un temps où l’on pouvait ne pas avancer en restant respecté par les artistes et les collectionneurs. Aujourd’hui, c’est un défi quotidien, analyse la galeriste Nathalie Obadia, qui fait tourner à plein régime ses trois espaces à Paris et Bruxelles. Tout le monde est plus informé, plus exigeant et moins “affectif”. Il n’y a plus la notion de fidélité à une enseigne si elle fait du sur-place. » Seules résistent les plus combatives, celles qui (ré)inventent au quotidien leur métier. « Il faut trouver des expositions dans les musées, produire des œuvres, inventer les ventes auprès des acheteurs influents et des nouveaux acteurs, poursuit Nathalie Obadia. On doit montrer que l’on est capable de proposer les mêmes services qu’une galerie anglo-saxonne. » Bref, il faut inspirer confiance.
La galerie “d’auteur” rentable, une exception
Un vrai défi pour les plus petites structures. « Beaucoup de collectionneurs n’achètent que dans les galeries superstars parce qu’ils y trouvent la caution du galeriste qui ne peut s’être trompé parce qu’il en est arrivé là », regrettent Delphine…