L’une des œuvres qui ouvre la Biennale de Lyon, visible dès la façade de la Sucrière et sur les murs du premier plateau d’exposition, peut fonctionner comme une métaphore de cette édition de la manifestation : si le tampon de l’artiste Marco Godinho où est écrit « Forever Immigrant » est explicitement ancré dans la réalité politique actuelle, sa répétition des milliers de fois finit par lui donner la forme d’un nuage atmosphérique, évanescent. D’autres y verront une œuvre subtilement incisive, refusant le message tapageur. Faisant suite à une Documenta de Cassel très engagée sur le débat de la décolonisation (et sa transmutation en régime économique globalisé), la Biennale de Lyon semble vouloir nettement s’en démarquer avec un choix d’œuvres presque entièrement focalisées sur l’expérience sensorielle et la poésie visuelle et sonore. La thèse d’Emma Lavigne s’appuie sur la réflexion du philosophe Zygmunt Bauman sur la nature liquide de la modernité (dévaluation des distances spatiales, interconnexions en réseau, mondialisation et accélération des flux, mobilité constante et déracinement des individus) cherchant, selon la curatrice, à identifier comment les œuvres captent l’état du monde généré par la modernité, plutôt qu’à revisiter le modernisme comme un répertoire de formes.
Mais ces…