Jean-Jacques Aillagon s’en souvient comme si c’était hier. Le 30 janvier 1977, le futur ministre de la Culture de Jacques Chirac s’était glissé dans la foule des riverains, suivant à bonne distance le cortège de têtes couronnées et de chefs d’État venus pour l’inauguration du Centre Pompidou, à Paris. Il y avait plus que de la curiosité dans l’air : l’ouverture avait été précédée de violentes polémiques sur la forme et le fond. En cause tout d’abord l’architecture audacieuse conçue par Renzo Piano et Richard Rodgers, une immense raffinerie traversée de tuyaux et d’escalators. La nomination d’un directeur étranger, Pontus Hultén, traité de « pornocrate suédois » par Le Figaro, avait mis de l’huile sur le feu. Et puis l’établissement était tout bonnement un ovni, pas seulement un musée d’art moderne, mais aussi un laboratoire pour la musique contemporaine (l’Ircam), un centre de création industrielle et une bibliothèque publique. « Rendez-vous compte, il n’y avait pas à l’époque de musée d’Orsay, pas de Grand Louvre ni d’Opéra Bastille, pas de Cité de la musique ! », rappelle Jean-Jacques Aillagon. Bernard Blistène, qui n’imaginait alors pas diriger un jour le musée national d’art moderne, abonde : « Il y a eu un avant et un après Centre Pompidou ».
C’était il y a quarante ans. Mais aujourd’hui, qu’en est-il ? Le Centre Pompidou a su fidéliser un public principalement français, dont les deux tiers sont revenus plus d’une fois. C’est que le vieux pétrolier peut compter sur une malle aux trésors, sa collection de 120 000 œuvres avec laquelle seul le MoMA de New York peut rivaliser. L’équipe…