Le constat est troublant : à la Foire de Bâle, Mecque de l’art contemporain en juin 2016, aucun artiste né ou travaillant en France ne figurait dans les sections Feature et Statements. À peine deux Français étaient à l’affiche de la section Unlimited. Pourquoi cette scène, pourtant très dynamique, est-elle si peu présente sur l’échiquier global ?
Vue de l’étranger, la scène hexagonale a longtemps été perçue comme « officielle », tenue à bout de bras par les pouvoirs publics, destinée aux musées – locaux – et non au marché, fatalement provinciale. Le pouvoir d’achat des collectionneurs français n’étant pas extensible, les prix de leurs créateurs n’ont pas décollé avec la même envergure que ceux de leurs confrères américains ou allemands. Aussi aucun Français ne figure-t-il dans le palmarès des cent artistes les plus chers établis par la base de données Artprice en 2015.
Mais le fond du problème est peut-être ailleurs, dans la réticence presque phobique des artistes français envers toute essentialisation, la revendication d’un universalisme. « Les artistes français ont du mal à admettre être de quelque part, abonde l’historien d’art Paul Ardenne. Ça ne présente aucun problème pour un Australien, un Suisse ou un Américain de se qualifier comme tel, ils ont l’habitude de travailler dans un habitus. Pour les Français, l’artiste s’est construit selon un principe soit romantique de la séparation, soit révolutionnaire de la divergence. Si on dit artiste local, c’est une infamie, si on dit artiste national, c’est ennuyeux. Il faut être international, sinon on n’est rien ». La jeune garde d’artistes français n’est du coup attachée à aucun territoire, encore…