Le différend entre Zola et Cézanne qui, en 1886, porta un coup fatal à une amitié datant de l’enfance a une cause : la publication de L’Œuvre, roman dont le protagoniste Claude Lantier – qui évoque à l’évidence Cézanne – est présenté comme un peintre raté, impuissant à obtenir la maîtrise de son art. Dix ans plus tard, Zola ne prendra même plus le détour de la fiction pour déclarer que Cézanne est « un grand peintre avorté ». Celui-ci, à la sortie du roman, fut meurtri de ce qu’il ressentit comme une trahison. La brouille entre les deux hommes a assurément une épaisseur humaine – la fin d’une relation de plus de quarante ans nouée sur les bancs d’une école aixoise, la réussite du petit immigré italien, les déboires du fils de banquier –, mais elle est plus que ça : elle révèle une scansion majeure dans l’histoire du modernisme.
Dans les années 1860, Zola est avant tout critique d’art. Dans cet exercice, il se signalera principalement par un courageux soutien apporté, contre tous ou presque, à l’artiste dont l’œuvre incarne les débuts du modernisme pictural, Édouard Manet. Zola montre une remarquable lucidité lorsqu’il pointe le littéralisme de Manet : « Prenons n’importe quelle toile de l’artiste et n’y cherchons pas autre chose que ce qu’elle contient ». Le…