Les professionnels ne décolèrent pas contre l’arrêté pris cet été pour réglementer le commerce des objets contenant de l’ivoire ou entièrement constitués de cette matière. Jugée par certains « surréaliste », la réunion de leurs représentants hier avec les services du ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer n’a guère rassuré le marché de l’art. Le ministère a précisé au Conseil des ventes volontaires (CVV) « que la notion “d’objets travaillés”, telle que mentionnée dans l’arrêté du 16 août 2016 relatif à l’interdiction du commerce de l’ivoire d’éléphants et de la corne de rhinocéros sur le territoire national, intègre les objets plaqués ou marquetés en ivoire, les couteaux ou couverts à manche en ivoire et les pianos à touches en ivoire (liste non exhaustive) », a indiqué le CVV. L’arrêté stipule que pour tous les objets contenant de l’ivoire « dont l’ancienneté est antérieure au 1er juillet 1975, peuvent donc être proposés à la vente aux enchères après avoir obtenu une dérogation à l’interdiction – établie par l’arrêté du 16 août 2016 – qui doit être sollicitée auprès de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement », poursuit le CVV. « Sans cette dérogation exceptionnelle, en principe, pas un musée, pas un commissaire-priseur, par un marchand ne peut vendre un objet antérieur à 1975 ! », s’insurge Jean-Pierre Osenat, président du Symev, syndicat des maisons de ventes. « Or, demander une dérogation est complexe. Vous imaginez les millions d’objets concernés ? C’est ubuesque et inapplicable », nous a-t-il confié. L’arrêté fait peser une épée de Damoclès sur les professionnels, du marchand des Puces vendant un couteau à manche en ivoire à l’exposant de la Biennale des Antiquaires présentant une précieuse Vierge médiévale ou du mobilier du XVIIIe siècle ou Art déco. D’après nos informations, les services de Sotheby’s se seraient même inquiétés de la situation auprès du CVV, en vue de la prochaine vente de la collection Balkany à Paris, riche en objets d’arts et en mobilier…. Pour l’antiquaire Éric Delalande, représentant du Syndicat national des antiquaires à la réunion d’hier, la situation est « gravissime et aberrante. Tel que le ministère nous l’a expliqué hier, il est en théorie possible que les douanes à tout moment viennent saisir nos objets. Le musée du Louvre aussi pourrait être considéré en effraction, car montrant des objets en ivoire ». Pour mettre fin à ce pataquès, il suffirait pourtant que le ministère remplace dans l’arrêté « avant » par « après » 1975… En attendant, les professionnels espèrent au plus vite une « conciliation » pour mettre fin au désarroi général.