Malgré les aléas économiques et politiques d'un pays où s'entrechoquent plusieurs mémoires, coloniale, révolutionnaire et dictatoriale, comme en témoignent métaphoriquement la coexistence dans les rues de La Havane d'une Cadillac des années 1950, d'une vieille Lada et d'un coco-taxi de fortune, la scène cubaine a commencé à émerger à l'étranger, avec quelques ténors comme José Angel Toirac, Lázaro Saavedra, Los Carpinteros, Carlos Garaicoa ou Kcho, suivis par de plus jeunes pousses comme Ernesto Leal et Duvier del Dago. La situation de tous ces créateurs est éminemment ambiguë, basée sur un jeu de cache-cache avec le système qui, d'un côté leur offre plus de privilèges qu'aux communs des Cubains, notamment l'accès à Internet et une possibilité de voyager, et de l'autre côté les bâillonne. « Notre réalité est schizophrénique, on a deux monnaies, deux présidents, rien n'est normal », confie Lázaro Saavedra. « Je fais partie du système, je suis né avec la Révolution et j'ai grandi avec, ce qui ne veut pas dire que je suis d'accord avec tout. Cela fait partie des règles, tout est une question de négociation. Quand je prépare un projet, j'ai toujours un Plan B et C. Parfois, j'attends huit ans avant de…