Au CAPC de Bordeaux, rien n’a changé ou presque depuis le passage d’Andrée Putman. Le parfum de la dame en noir (1925-2013) semble encore flotter dans l’ancien entrepôt de denrées coloniales Lainé. Entre 1983 et 1990, la designer est intervenue pour aménager et meubler ce bâtiment industriel du XIXe siècle, qui abrite le CAPC musée d’art contemporain ainsi qu’Arc en rêve centre d’architecture. Une exposition rend hommage à cette œuvre totale achevée voici un quart de siècle, qui concilie le fait d’être un patrimoine vivant, à la fois jalon de l’histoire du design contemporain et d’architectures toujours usitées. Près de 80 % des pièces créées sont toujours utilisées au quotidien par les équipes du musée.
Selon Martine Péan, la commissaire de l’exposition, qui a assisté aux travaux et à la métamorphose des lieux, il s’agit du seul musée qu’Andrée Putman ait réhabilité. « Elle passait les lieux dans sa moulinette intellectuelle, dans une démarche d’imprégnation », explique-t-elle. D’un commun accord avec Jean-Louis Froment, alors directeur du CAPC, s’élabore un vocabulaire sobre et discret afin de laisser parler les œuvres, jusqu’au sol en ciment gris ciré. Anticipant des réflexions très actuelles, une grande partie du mobilier s’adapte, se transforme et se déplace pour suivre l’évolution du musée. La nuance de gris employée par Andrée Putman étant référencée, il est possible de la reproduire aujourd’hui pour renouveler le « print-stratifié » qui orne le mobilier. En regard, une salle rappelle les réalisations de la designer pour le Concorde d’Air France en 1993, des sièges à la vaisselle, d’un luxe minimaliste.
Si l’exposition retrace la genèse de ce projet et sa réalisation, avec force croquis et exemples de mobilier, plusieurs espaces abritent toujours les œuvres d’André Putman en situation. C’est le cas du café du musée, mais aussi de la terrasse dont elle a dessiné les bancs « Éléphants » en bois, aux très hauts dossiers, non loin des installations de Richard Long à base de pierres créées pour les lieux – le CAPC possède neuf œuvres de l’artiste. Ces mêmes bancs figurent aussi dans la vaste salle de travail sous la magnifique charpente, qui héberge également une table ronde en béton très contemporaine. Accessible sur rendez-vous, la bibliothèque a peu bougé, avec ses tables de travail modulables et ses canapés de lecture en alcôve. En définitive, Andrée Putman aura largement contribué à façonner – sans s’imposer – l’identité et l’âme d’un lieu à la belle sobriété, tout en laissant la part belle à l’art contemporain.