Le critique d'art Jean-Yves Jouannais a initié depuis 2009 l'Encyclopédie des guerres, composées d'entrées révélées lors de performances-spectacles au Centre Pompidou. De ce matériau dense, il a tiré l'exposition « Comment se faire raconter les guerres par un grand-père mort », organisée jusqu'au 9 juin à la Villa Arson à Nice. Rencontre.
R. A. Votre manière de constituer votre Encyclopédie des guerres est aléatoire et non scientifique.
J.-Y. J. Oui, j'échange mes livres contre des livres de guerre. Je ne les choisis pas, on me les apporte. À partir de cela, je bricole des intuitions, des pseudos théories. Quand je dis que cela a à voir avec la pataphysique, c'est que j'en arrive à une hypothèse séduisante, mais non fondée. Je tiens à ce mot « bricolé ». La bricole désigne une machine de guerre qui n'était pas préfabriquée mais bricolée avec ce que l'on trouve. Le caractère primitif de cette construction est premier dans ma manière de considérer l'Encyclopédie. J'utilise le terme de système D. Pendant la guerre de 1914, il n'y a pas eu seulement des objets ciselés à vertu décorative, mais aussi les premiers bricolages de baïonnettes. Je bricole comme ces poilus, sauf que j'ai visé un roman. Je ne m'intéresse pas aux témoignages, je n'ai pas envie de rencontrer une personne. Je ne veux pas théoriser sur la guerre, mais selon moi, il n'y aurait pas eu de littérature sans guerre. La Recherche du temps perdu est un grand roman de guerre, celle de 14-18. Il suffit que je trouve une ligne avec un képi ou une baïonnette pour que je le garde dans ma bibliothèque. L'Encyclopédie des guerres est une entreprise littéraire…