R. A. Pourquoi accompagnez-vous votre exposition à la Fondation Maeght à Saint-Paul de Vence d'un ouvrage conçu comme un carnet de bord, un making of ?
B.-H. L. Je voulais montrer l'envers du décor, toute cette incroyable complexité qui est derrière une exposition. Je ne l'imaginais pas. Le monde de l'art est un continent inconnu, avec ses règles, usages et contraintes, ses spécimens humains, la part de l'ego et de l'argent.
R. A. L'ego est tout aussi sinon plus fort dans le champ littéraire.
B.-H. L. Ce sont deux régimes de l'ego très différents. Prenez les collectionneurs. Eux aussi, comme les artistes, m'ont passionné, leur goût de la transmission, leur piété, parfois leur fétichisme. Ce n'est pas n'importe quel ego, l'ego qui transmet, qui s'inscrit dans l'histoire en transmettant. À l'inverse, il y a des collectionneurs qui sont des amis de la mort. J'ai un chapitre, par exemple, sur Monique Barbier-Mueller. Sa collection est une nécropole. Et, comme les fameuses statues dont Chris Marker et Alain Resnais disaient qu'elles « meurent aussi », ces oeuvres qui ne bougent plus, qui ne rencontrent pas d'autres oeuvres, qui ne sont jamais déplacées ni dépaysées, sont en péril de mort. Ces collectionneurs morbides, dont le désir inconscient est comme celui des pharaons, rêvent que leurs oeuvres partent avec eux.
R. A. Et que pensez-vous de l'ego qui consiste à créer un musée ?
B.-H. L. Magnifique. Car à la gloire des artistes. Aimé Maeght, par exemple, a bâti un palais à…