Mutadis mutandis. La foire Design Miami/ Basel, qui a ouvert ses portes hier midi à un parterre de collectionneurs VIP, connaît un vrai saut qualitatif avec son installation cette année dans le nouveau bâtiment griffé par Herzog & de Meuron sur Messeplatz à Bâle. « La foire a gagné en dignité, remarque Marie-Laure Jousset, ancienne chef du département design du musée national d'art moderne à Paris. Tout le monde y gagne, les objets et les visiteurs. On s'approche d'un espace quasi muséal ». Pour marquer ce nouvel emplacement, la plupart des exposants ont mis les petits plats dans les grands, offrant qui un solo show remarquable autour d'Alvar Aalto (Jacksons, Berlin, Stockholm), qui des icônes de l'Art nouveau suédois et norvégien (Franck Laigneau, Paris). Difficile de bouder la rigueur intellectuelle d'Ulrich Fiedler (Berlin), qui présente un fauteuil rouge de Gerrit Rietveld datant de 1923, modèle épousant davantage l'anatomie humaine que son célèbre fauteuil bleu et rouge. Difficile aussi de ne pas saluer la présence de meubles modernistes d'Eileen Gray chez Anne Sophie Duval (Paris), ou le savoureux mur d'appliques et luminaires chez Kreo (Paris). Même le design le plus contemporain, qui pêche souvent par insignifiance ou par excès de clinquant, a trouvé un meilleur éclat.
Cette édition a confirmé ce que l'on pressentait déjà à Miami en décembre dernier : le retour en force de la céramique et du bijou d'artiste. « La céramique reste un domaine dans lequel on peut acheter un chef-d'oeuvre à moins de 50 000 euros », explique la nouvelle recrue Thomas Fritsch-Artrium (Paris), lequel présente un morceau de choix de Georges Jouve, un miroir datant de 1946. Ce n'est pas Pierre Marie Giraud (Bruxelles) qui démentirait cet intérêt croissant pour les arts du feu, lui qui a cédé en trois heures une vingtaine de pièces. La céramique s'insinue aussi sur d'autres stands, avec une table de Janette Laverrière avec un plateau de Jouve de 1953, présentée par Jacques Lacoste (Paris) et achetée avant même l'ouverture de la foire par un grand collectionneur français. Pascal Cuisinier (Paris) a pour sa part vendu d'emblée une autre table avec un plateau de la céramiste Mado Jolain.
Le bond en termes de contenu va de pair avec un regain de confiance de la part des exposants. Comme si soudain le salon faisait partie de la « famille » Art Basel, qu'il n'était plus un cousin de province tenu à distance respectable. « Maintenant nous faisons partie de l'histoire d'Art Basel, sourit le galeriste parisien Philippe Jousse. Je pense que les gens viendront plus facilement depuis que nous avons une position frontale ». En attendant un afflux de collectionneurs qui se manifesteront sans doute le reste de la semaine, les usual suspects comme Daniel Lebard ou Martin Z. Margulies étaient sur le pied de guerre dès l'ouverture. La plupart des exposants ont très vite fait affaire. En à peine une heure, un Américain a réservé des fauteuils modèle Trèfle de Jean Royère chez Jacques Lacoste (Paris). Philippe Jousse a fait un carton avec son salon et sa salle à manger modèle Élysée par Pierre Paulin. La cote de ce designer français flambe depuis deux ans. « Il y a cinq ans, un salon Élysée valait 20 000-30 000 euros, rappelle Matthias Jousse. Voilà deux ans, il fallait compter 70 000 euros ». La galerie a cédé son spécimen pour 140 000 euros à un collectionneur américain. Montée de prix excessive ? Pas plus que celle du chiffonnier anthropomorphe de Marc Newson, dont la galerie Carpenters Workshop (Paris, Londres) demande désormais 700 000 euros. Une bagatelle toutefois au regard des 2,5 millions d'euros exigés par la galerie Steinitz (Paris) pour une commode de Jacques Dubois en vernis Martin sur l'amusant stand commun conçu avec Carpenters. En terre contemporaine, le mobilier du XVIIIe siècle garde le privilège de l'ancienneté.
Design Miami/ Basel, jusqu'au 16 juin, Hall 1 Süd, Messe Basel, Messeplatz, Bâle, http://basel2013.designmiami.com